Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé par une société de transports, en qualité de conducteur suivant un contrat de travail à durée déterminée du 22 juin au 22 septembre 2015.
La relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée.
Le salarié est licencié le 28 décembre 2017 et dispensé d'exécuter son préavis.
Le 25 septembre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, réclamant notamment un rappel de salaires en rapport avec l’indemnité compensatrice.
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 30 septembre 2021, donne raison au salarié mais considère que l’indemnité compensatrice doit être déterminée sur le salaire de base.
Mécontent de cet arrêt, le salarié décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Elle confirme à cette occasion que :
Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail :
- L’indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.
Il en ressort :
- Qu’une cour d’appel ne saurait retenir le seul salaire base mensuel brut du salarié ;
- Sans prendre en compte les heures supplémentaires et primes d'ancienneté et de région parisienne incluses.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail :
- Selon ces textes, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.
- Pour limiter la somme allouée à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salaire de base mensuel brut du salarié, hors heures supplémentaires et primes d'ancienneté et de région parisienne incluses, s'élève à 2 143,47 euros, de sorte que l'indemnité compensatrice de préavis est fixée à 4 286,94 euros et l'indemnité de congés payés afférente à la somme de 428,69 euros.
- En statuant ainsi, en considération du seul salaire de base mensuel brut du salarié, sans prendre en compte le salaire que ce dernier aurait perçu s'il avait exécuté le préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et limite à la somme de 4 286,94 euros, outre 428,69 euros de congés payés afférents, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un principe majeur que rappelle présentement la Cour de cassation selon lequel :
- L’indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.
Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions essentielles concernant la période préavis en cas de licenciement, et plus précisément sur les cas du « préavis non effectué » (comme dans l’affaire présente).
Ces informations sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Comment gérer le préavis en cas de licenciement en 2024 ? Fiche pratique
Lorsque le licenciement d’un salarié est prononcé, une période de préavis peut être à respecter dans le respect des dispositions légales. Ce sont ces règles légales que la présente fiche pratique vous décrit en détails.
Le préavis non effectué
Plusieurs situations sont alors envisageables lorsque le préavis n’est pas effectué.
Préavis non effectué à la demande du salarié (avec l’accord de l’employeur)
- Le salarié ne peut pas prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de préavis ;
- La durée du préavis non effectué sera néanmoins prise en compte par Pôle emploi afin de calculer la carence qui sera appliquée pour le versement des allocations chômage ;
- Le salarié quitte l’entreprise à la date prévue fixant le début du préavis, soit la première présentation de la notification du licenciement ;
- C’est à cette date que le RUP (Registre Unique du Personnel) doit être mis à jour et que le solde de tout compte doit être réalisé ;
- L’indemnité de licenciement est calculée en tenant compte de l’ancienneté acquise à la notification du licenciement.
Préavis non effectué à la demande de l’employeur
- L’employeur doit verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis.
- C’est la fin du préavis (qui aurait dû être effectué) qui marque la date de départ du salarié de l’effectif de l’entreprise.
- C’est à cette date que le RUP (Registre Unique du Personnel) doit être mis à jour.
- C’est aussi à cette date que le solde de tout compte doit être établi.
- L’indemnité de licenciement doit tenir compte de l’ancienneté acquise à la fin du préavis (même non effectué)
Article L1234-5
Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.
Préavis non effectué compte tenu de la faute
- Le licenciement prononcé pour une faute grave ou lourde ne permet pas le maintien du salarié dans l’entreprise.
- Le préavis n’est donc pas effectué.
- Le salarié ne peut prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de préavis sauf si une convention collective en prévoit le versement en cas de licenciement pour faute grave (ou lourde).
- La première présentation de la notification du licenciement marque donc le départ du salarié de l’entreprise.
Article L1234-1
Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
Nota :
L’employeur qui laisse un salarié licencié pour faute grave (ou lourde) exécuter un préavis prend un risque.
En cas de litige, les juges peuvent alors ne pas retenir la faute grave (ou lourde).
Préavis non effectué compte tenu de l’incapacité du salarié
Compte tenu de l’inaptitude du salarié et de l’impossibilité de reclassement (ou de refus) aucun préavis n’est à effectuer par le salarié.
Inaptitude résultant d’une maladie professionnelle ou consécutive à un accident du travail
Dans ce cas précis, le salarié ne doit pas effectuer de préavis.
Il doit percevoir néanmoins :
- Une indemnité d’un montant égal à l’indemnité légale de préavis (article L 1226-14) ;
- Cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis (Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328) ;
- De ce fait, le salarié n’est pas en droit de demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis prévue par la Convention collective ;
- L’indemnité versée n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis légale (même si la valeur est identique), la date de rupture du contrat de travail n’est pas repoussée ;
- L’indemnité de licenciement sera donc calculée sur l’ancienneté acquise à la notification ;
- L’indemnité d’une valeur égale à l’indemnité compensatrice de préavis sera calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire (article L 1226-16 du Code du travail) ;
- Le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Nota :
Les 3 seuls cas pour lesquels le salarié pourrait bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis (et pas d’une indemnité dont le montant est égal au montant de l’indemnité légale de préavis) sont :
- L’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement ;
- L’employeur n’a pas repris le paiement du salaire alors que le délai d’un mois est écoulé ;
- Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Arrêt Cour de cassation du 13 avril 2022, pourvoi n°21-10525) .
Inaptitude après une maladie ou un accident non professionnel
Ainsi, lorsqu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour une inaptitude qui n’a pas d’origine professionnelle, le Code du travail indique que :
- Le préavis n’est pas exécuté ;
- Le contrat de travail est donc rompu à la notification du licenciement ;
- Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité ;
- Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est versée.
Article L1226-4
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47
Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.