Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé, le 6 septembre 2010, en qualité d'agent commercial pour assurer la représentation et la vente de produits photovoltaïques et d'isolation de combles auprès de particuliers.
Il était inscrit en qualité d'auto-entrepreneur au répertoire des entreprises et des établissements à compter du 1er octobre 2010 ainsi qu'au registre spécial des agents commerciaux.
Le 14 octobre 2014, il prend acte de la rupture du contrat puis a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail et de diverses demandes au titre de la rupture.
La cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 09 juin 2021, déboute le salarié de sa demande, retenant pour cela le fait que les griefs étaient trop anciens pour empêcher ou rendre impossible la poursuite du contrat de travail en octobre 2014.
Mécontent de cet arrêt, le salarié décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, et renvoie les parties devant la cour d'appel de Nîmes.
Elle indique à cette occasion que :
Une cour d’appel ne saurait dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission et débouter le salarié de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- En se référant uniquement au fait que les griefs que le salarié reproche à son employeur résultent de faits trop anciens et ne sont donc pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1231-1 du code du travail :
8. Pour dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission et débouter le salarié de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, l'arrêt constate que les griefs que le salarié reproche à son employeur résultent de faits trop anciens et ne sont donc pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
9. En se déterminant ainsi, en se référant uniquement à l'ancienneté des manquements, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquence de la cassation
10. La cassation prononcée sur le premier moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du 14 octobre 2014 s'analysait en une démission et en ce qu'il déboute M. [Y] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Commentaire de LégiSocial
La Cour de cassation aborde ici la prise d’acte et son éventuel cas où elle produirait les effets d’une démission.
Voici quelques informations à ce sujet, extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique.
Lire aussi : Quelles conséquences si la prise d'acte produit les effets d'une démission en 2024 ? Fiche pratique
Il peut arriver que la prise d’acte repose sur des griefs considérés comme « non-fondés », elle produit alors les effets d’une démission, avec des conséquences que la présente fiche pratique aborde en détails.
Les principes généraux
Dans ce cas, les griefs invoqués par le salarié n’ont pas été reconnus comme pouvant justifier la prise d’acte.
Sommes non dues
Ne sont donc pas dues les sommes suivantes :
- Indemnité de licenciement ;
- Indemnité compensatrice de préavis et congés afférents ;
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Sommes dues par le salarié
A contrario, le salarié peut être redevable du paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, la prise d’acte rompt le contrat de travail immédiatement, le salarié n’a donc pas effectué de préavis.
Extrait de l’arrêt
Et attendu, d'abord, qu'après avoir constaté que lors de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié le 16 décembre 2005, l'employeur n'avait pas modifié le contrat de travail, ni manqué à ses obligations, la cour d'appel a, à bon droit, analysé la rupture comme une démission ;
Et attendu, ensuite, que lorsque la prise d'acte de la rupture du contrat de travail rompt celui-ci, le salarié peut être condamné à indemniser l'employeur pour non-respect du préavis ; que la cour d'appel, qui a retenu que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission et a condamné le salarié à indemniser l'employeur pour non-respect du préavis, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoiCour de cassation du 4/02/2009, pourvoi 07-44142