Départ à la retraite : délai de prescription en cas de dispositif géré par accord collectif

Jurisprudence
Paie Retraite

En cas de départ à la retraite, la prescription de l'action en contestation court à compter de la rupture effective, lorsque ce départ s'inscrit dans un dispositif mis en place par accord collectif avec faculté de rétractation

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Contexte de l'affaire

Dans cette affaire, la société avait conclu avec les organisations syndicales représentatives le 20 février 2017 un accord de gestion prévisionnelle des départs en retraite, dit GPDR2, permettant aux salariés concernés de bénéficier d'une aide financière au rachat de trimestres et d'une majoration des indemnités de départ à la retraite.

un salarié, engagé par la société à compter du 19 mars 1979, occupe en dernier lieu le poste de directeur régional d'expertise, a adhéré à cet accord GPDR2 par lettre du 30 juin 2017.

Le 26 octobre 2018, la société a conclu un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Par lettre du 21 décembre 2018, le salarié a révoqué son adhésion à l'accord GPDR2. Cette rétractation ayant été refusée par l'employeur, il a quitté l'entreprise le 1er février 2019.

Le 26 juin 2019, il saisit la juridiction prud'homale afin de dire la rupture de son contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de diverses indemnités.

La cour d'appel de Nancy, par arrêt du 27 janvier 2022, donne raison au salarié.

Mécontent de cet arrêt, l’employeur décide de se pourvoir en cassation, estimant que l’action menée par le salarié devait être considérée comme prescrite.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que : 

En cas de départ à la retraite d'un salarié :

  • La prescription de l'action en contestation de la rupture court à compter de la date à laquelle il a notifié à l'employeur sa volonté de partir à la retraite ;
  • Toutefois, lorsque le départ à la retraite s'inscrit dans un dispositif, auquel a adhéré le salarié, mis en place par un accord collectif réservant expressément une faculté de rétractation de la part du salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture ne court qu'à compter de la rupture effective de la relation de travail.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. Aux termes de l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
  1. Il résulte de ce texte qu'en cas de départ à la retraite d'un salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture court à compter de la date à laquelle il a notifié à l'employeur sa volonté de partir à la retraite. Toutefois, lorsque le départ à la retraite s'inscrit dans un dispositif, auquel a adhéré le salarié, mis en place par un accord collectif réservant expressément une faculté de rétractation de la part du salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture ne court qu'à compter de la rupture effective de la relation de travail.
  1. L'arrêt retient que l'accord GPDR2 du 20 février 2017 prévoit en son article 15 « Expression des collaborateurs », à l'alinéa 3, que « l'engagement pris par le collaborateur sera alors irrévocable, ferme et définitif sauf dans les cas limitatifs suivants sur présentation d'un justificatif : [...] - exercice de la clause de revoyure telle que prévue à l'article 6.1. »
  1. L'arrêt retient également que l'article 6.1 dudit accord prévoit, en son alinéa 2, que « dans l'hypothèse, ce qui n'est ni souhaité par la Direction ni d'actualité, où le (…) se verrait contraint d'envisager un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) sur la période couverte par le présent accord, une réunion de négociation avec les Organisations Syndicales Représentatives serait fixée ».
  1. Ayant constaté, d'une part que le salarié avait adhéré, par lettre du 30 juin 2017, au dispositif GPDR2 emportant admission à la retraite à son initiative en 2018, au plus tard au 31 décembre 2018, puis que, par lettre du 21 décembre 2018, il avait renoncé au bénéfice des dispositions de l'accord GPDR2 en se prévalant de l'article 15 dudit accord prévoyant la possibilité de révoquer son consentement dans l'hypothèse de l'exercice de la clause de revoyure prévue à l'article 6.1, d'autre part que la rupture effective de la relation de travail était intervenue le 31 janvier 2019 lors de l'établissement par l'employeur du certificat de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription d'un an courait à compter de cette date, de sorte que l'action engagée le 26 juin 2019 n'était pas prescrite.
  1. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-12922

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire le délai de prescription, l’occasion pour nous de rappeler quelques notions fondamentales à ce sujet.

Les informations proposées ci-après sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrées à cette thématique. 

Rupture du contrat de travail

Thèmes

Contenus

Durée

12 mois

Références

Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, JO du 23 septembre 2017 

Ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, JO du 21 décembre 2017  

LOI n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, JO du 31 mars 2018

Début du délai de prescription

La prescription de 12 mois démarre à compter du jour :

  • Où celui qui exerce une action en justice a connu les faits lui permettant d’exercer ;
  • Ou bien le jour où celui qui exerce une action en justice aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir en justice.

Références légales

Article L1471-1

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

Article L1235-7

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

Application du délai de prescription

Le délai de prescription de 12 mois s’applique :

  • Quel que soit le contrat de travail ;
  • Quel que soit le mode de rupture ;
  • Quel que soit le motif, sauf cas d’exceptions.