Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité de conditionneuse-manutentionnaire à compter du 1er juin 2000.
Déclarée inapte à son poste à l'issue de deux examens médicaux des 24 novembre et 15 décembre 2016, elle est licenciée le 16 mars suivant.
La salariée saisit la juridiction prud’homale, aux fins de réclamer le paiement de son salaire qu’elle prétend ne pas avoir perçu.
La cour d'appel d'Orléans, par arrêt du 7 septembre 2021, déboute la salariée de sa demande, mettant en avant les faits suivants :
- L’employeur affirme l'avoir payée et produit pour en justifier un bulletin de salaire du 15 mars 2019, qui mentionne le paiement d'une somme brute de 1.516,70 euros pour la période de juillet 2015 à juin 2016, puis de 1.199,08 euros pour la période de juillet 2016 jusqu'au licenciement ;
- De même que la copie du chèque adressé à la salariée en conséquence.
La cour d’appel en déduit que l'employeur rapporte ainsi la preuve du paiement de la prime litigieuse.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans, rappelant les principes suivants à cette occasion, et renvoyant les parties devant la cour d'appel de Bourges :
- Nonobstant la délivrance de bulletins de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire qu'il invoque ;
- Celui-ci ne peut résulter de la seule remise de chèques à l'ordre du salarié, laquelle n'a valeur libératoire pour le débiteur que sous réserve d'encaissement effectif par le créancier.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu les articles 1353 du code civil et L. 3243-3 du code du travail :
- Aux termes du premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
- Aux termes du second, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus.
- Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que l'employeur affirme l'avoir payée et qu'il produit pour en justifier un bulletin de salaire du 15 mars 2019, qui mentionne le paiement d'une somme brute de 1 516,70 euros pour la période de juillet 2015 à juin 2016, puis de 1 199,08 euros pour la période de juillet 2016 jusqu'au licenciement, de même que la copie du chèque adressé à la salariée en conséquence. Il en déduit que l'employeur rapporte ainsi la preuve du paiement de la prime litigieuse.
- En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, nonobstant la délivrance de bulletins de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire qu'il invoque et que celui-ci ne peut résulter de la seule remise de chèques à l'ordre du salarié, laquelle n'a valeur libératoire pour le débiteur que sous réserve d'encaissement effectif par le créancier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme [V] les intérêts au taux légal sur la somme de 418,61 euros à compter du 3 octobre 2017 jusqu'au 15 mars 2019, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Commentaire de LégiSocial
Nombreux sont les arrêts de la Cour de cassation en rapport avec le paiement du salaire, affaires pour lesquels il est de jurisprudence constante que c’est à l’employeur d’apporter les preuves que le paiement a bien été réalisé.
Voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site :
Thématiques | Références |
A l’employeur de prouver que le paiement du salaire a bien été effectué | Cour de cassation du 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23570 Lire aussi : A l'employeur de prouver que le paiement du salaire a bien été effectué JurisprudenceUne salariée est engagée en qualité de gardienne d'immeuble le 25 juin 2007. Elle est déclarée inapte à son poste de travail, à l'issue de 2 examens médicaux, les 16 ... |
Nonobstant la remise du bulletin de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire | Cour de cassation du 29 mars 2023, pourvoi n° 21-19631 Lire aussi : Nonobstant la remise du bulletin de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire JurisprudenceL’acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie, ne peut valoir renonciation au paiement du salaire. Ainsi, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire. |
La seule remise du bulletin de paie ne prouve pas le paiement du salaire | Cour de cassation du 19 avril 2023, pourvoi n° 22-11642 Lire aussi : La seule remise du bulletin de paie ne prouve pas le paiement du salaire JurisprudenceNonobstant la délivrance de bulletins de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire qu'il invoque, qui ne peut résulter que de la seule remise de chèques à l'ordre du salarié. |
Paiement du salaire : ce n’est pas au salarié de prouver qu’il n’a pas été réalisé | Cour de cassation du 5 juillet 2023, pourvoi n° 22-11193 Lire aussi : Paiement du salaire : ce n'est pas au salarié de prouver qu'il n'a pas été réalisé JurisprudenceC’est à l’employeur seul qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire, la cour d’appel en jugeant autrement inverse la charge de la preuve en la faisant peser sur le salarié. |