Un licenciement pour inaptitude peut devenir sans cause réelle lorsque l’employeur ne satisfait son obligation de sécurité

Jurisprudence
Paie Inaptitude

Lorsque le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement résulte d’un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, il peut être alors considéré sans cause réelle et sérieuse.

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Contexte de l'affaire

Préambule

La présente affaire a été abordée dans une précédente publication sous l’intitulé suivant : 

Une salariée est engagée en qualité de conditionneuse-manutentionnaire à compter du 1er juin 2000.

Déclarée inapte à son poste à l'issue de deux examens médicaux des 24 novembre et 15 décembre 2016, elle est licenciée le 16 mars suivant.

La salariée saisit la juridiction prud’homale, considérant que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement avait « pour origine le manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité », ce qui devait alors conduire à considérer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

La cour d'appel d'Orléans, par arrêt du 7 septembre 2021, déboute la salariée de sa demande, considérant que l’employeur avait dans l’affaire présente totalement rempli son obligation de reclassement, à laquelle il était soumis dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude.

La Cour de cassation n’est pas convaincue par les arguments de la cour d’appel d’Orléans, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Bourges :

La Cour de cassation indique dans son arrêt ceci : 

  • Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur a loyalement rempli son obligation de reclassement ;
  • La cour d’appel en a décidé ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude avait pour origine le manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur a loyalement rempli son obligation de reclassement.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude avait pour origine le manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

  1. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, nonobstant la délivrance de bulletins de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire qu'il invoque et que celui-ci ne peut résulter de la seule remise de chèques à l'ordre du salarié, laquelle n'a valeur libératoire pour le débiteur que sous réserve d'encaissement effectif par le créancier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Cour de cassation du , pourvoi n°22-16853

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons de l’affaire présente pour faire quelques rappels de notions importantes concernant l’obligation de reclassement qui pèse sur l’entreprise, lorsque le licenciement est prononcé suite à un avis d’inaptitude du salarié.

Les informations qui vous sont communiquées ci-après sont extraites de notre fiche pratique consacrée à cette thématique : 

Inaptitude du salarié

Situation 1 : 1 seul examen

Les nouvelles dispositions indiquent que le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :

  • S’il a réalisé au moins 1 examen médical de l’intéressé ;
  • S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
  • S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement ;
  •  S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

Situation 2 : éventuellement un second examen

Le médecin du travail peut estimer qu’un 2ème examen est nécessaire, il est alors réalisé dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le 1er examen.

La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date. 

Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (cas de dispense de recherche de reclassement par l’employeur).

Article R4624-42

Modifié par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1

Transféré par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1

Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que : 
1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ; 
2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ; 
3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ; 
4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur. 
Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser. 
S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date. 

Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Consultation du médecin inspecteur du travail

Avant d’émettre son avis, le médecin du travail peut consulter le médecin inspecteur du travail.

Article R4624-43

Transféré par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1

Modifié par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1

Avant d'émettre son avis, le médecin du travail peut consulter le médecin inspecteur du travail.

Inscription dans le dossier médical

Les motifs de l’avis du médecin du travail sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du travailleur. 

Article R4624-44

Modifié par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1

Transféré par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1

Les motifs de l'avis du médecin du travail sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du travailleur.

Obligation de reclassement

Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :

  • Article L 1226-2-1 ;
  • Article L 1226-12 ;
  • Article L 1226-20 

Article L1226-2-1

Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

Article L1226-12

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Article L1226-20

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.

Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.

Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.

La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.

Sont ainsi confirmés les points suivants :

  • L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
  • Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).

Dispense obligation de reclassement

La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.

Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :

  • Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 

Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :

  • En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
  • Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.