Modification pour raison économique du contrat de travail : la proposition de l’employeur doit être précise

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

L'employeur n’ayant pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique, ne peut se prévaloir, en l'absence de réponse du salarié, d'une acceptation de la modification du contrat de travail.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité d'animatrice, à compter du 1er février 2006, par une association.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste d'animatrice aux nouvelles technologies à temps complet.

Par lettre du 23 janvier 2017, l'association lui notifie qu'en application de l'article L. 1226-2 du code du travail elle disposait d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette correspondance pour faire connaître son acceptation ou son refus d'une proposition de réduction de son temps de travail hebdomadaire à 20 heures.

L'association ayant considéré que la modification de son temps de travail était valablement intervenue dès lors qu'elle n'avait pas fait connaître son refus dans le délai d'un mois, la salariée saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et de demandes en paiement de sommes subséquentes. 

La cour d'appel d'Aix en Provence, par un arrêt du 2 décembre 2021, donne raison à la salariée. 

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation. 

La Cour de cassation confirme la cour d’appel d'Aix en Provence, et en profite pour rappeler les principes suivants : 

  • L'employeur, qui n'a pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique pour lequel cette modification est envisagée ;
  • Ne peut se prévaloir, en l'absence de réponse du salarié dans le mois, d'une acceptation de la modification du contrat de travail.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. Aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 du même code, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification.
  1. Il en résulte que la procédure qu'il prévoit n'est applicable que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 1233-3 du code du travail, de sorte que l'employeur, qui n'a pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique pour lequel cette modification est envisagée ne peut se prévaloir, en l'absence de réponse du salarié dans le mois, d'une acceptation de la modification du contrat de travail.
  1. La cour d'appel a constaté que l'association avait proposé à la salariée une modification de son contrat de travail consistant en une réduction de son temps de travail avec une réduction de sa rémunération, en raison de l'activité de l'établissement qui ne permettait pas de l'employer à temps complet et la conduisait à mettre en place une nouvelle organisation et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
  1. Elle en a exactement déduit que l'association ne pouvait valablement invoquer l'application de l'article L. 1222-6 du code du travail en sorte que la réduction du temps de travail ne pouvait être imposée à la salariée.
  1. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°22-11369

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire nous permet de rappeler un précédent arrêt de la Cour de cassation concernant une modification, pour raison économique, d’un contrat de travail.

Cet arrêt est abordé, en détails sur notre site, il est à retrouver au lien suivant : 

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Dans cette affaire :

  • Une salariée avait été engagée à compter du 1erjanvier 1989, et occupe en dernier lieu les fonctions d'ingénieur brevet en propriété industrielle, secteur biologie, position cadre.
  • L'employeur lui propose, le 25 octobre 2013, une modification de son contrat de travail pour motif économique. 

La salariée, après avoir refusé cette proposition, adhère à un contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail prenant fin le 20 mars 2014.

Le 25 avril 2014, elle manifeste le désir d'user de la priorité de réembauche, puis saisit la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

La Cour d'appel de Paris, par arrêt du 11 décembre 2019, donne raison à la salariée.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, et apporte à cette occasion les précisions suivantes : 

Selon les termes de l'article L. 1233-45 du code du travail :

  • Il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique, qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification.
  • Ayant constaté que l'employeur s'était abstenu de proposer à la salariée un poste disponible d'ingénieur brevet junior en propriété industrielle secteur biologie, dont il a estimé qu'il était compatible avec la qualification qu'elle avait acquise au sein de l'entreprise, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

 En d’autres termes :

  • La proposition d'une modification du contrat de travail pour motif économique, refusée par le salarié ;
  • Ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et, par suite, de lui proposer éventuellement le même poste en exécution de cette obligation.