Congé maternité et protection : interdiction de notifier un licenciement, ni même des mesures préparatoires

Jurisprudence
Paie Congé maternité/paternité/adoption

Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection liée au congé de maternité, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de chef de projet internet à compter du 7 octobre 2013.

La salariée exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable marketing.

Le contrat de travail de la salariée est suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.

Par lettre du 16 janvier 2018, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2018.

L'intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant.

Mais elle saisit la juridiction prud’homale, estimant que son licenciement économique devait être frappé de nullité, en raison de la période de protection dont elle bénéficie au titre de son congé de maternité.

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 3 mars 2022, déboute la salariée de sa demande.

Elle estime présentement que : 

  • L’employeur n'a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection ;
  • La salariée ne pouvant valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection, ni de la réunion des délégués du personnel le 12 janvier 2018, pour soutenir que la décision de la licencier était prise en l'absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l'employeur. 

La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel de Paris, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La Cour de cassation met en avant les éléments suivants : 

Vu l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

  • Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

C’est ainsi que :

  • L’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période. 

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

6. Ainsi, l'employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période.

7. Pour dire que l'employeur n'a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection et débouter en conséquence la salariée de sa demande de nullité de son licenciement, l'arrêt énonce que l'intéressée ne peut valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection, ni de la réunion des délégués du personnel le 12 janvier 2018, pour soutenir que la décision de la licencier était prise en l'absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l'employeur.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement pendant la période de protection dont bénéficiait la salariée à l'issue du congé de maternité, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande d'annulation de son licenciement et des demandes subséquentes n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société (…)  à payer à Mme [X] les sommes de 5 752 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2017 et 2018 et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il déboute la société (…)   de sa demande sur ce fondement et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-15794

Commentaire de LégiSocial

Le présent arrêt de la Cour de cassation est à rapprocher, selon nous, d’un précédent arrêt que nous avions abordé sur notre site sous l’intitulé suivant : 

« Envisager les modalités d’un licenciement économique n’est pas permis pendant un congé de maternité » 

L’arrêt rappelle également un arrêt plus ancien du 15 septembre 2010, dont nous rappelons le contexte comme suit : 

  • L’affaire concernait une salariée en congé de maternité puis ensuite en congés payés, soit une suspension du contrat de travail allant du 15/08/2005 au 01/01/2006.
  • De retour dans l’entreprise, le 02/01/2006, elle est convoquée 2 jours plus tard (le 04/01/2006) à un entretien préalable au licenciement.
  • Le licenciement est prononcé pour insuffisance professionnelle le 27/01/2006.
  • Mais la salariée n’est pas d’accord sur la procédure et saisit le Conseil de prud’hommes afin de faire reconnaître la nullité de son licenciement.
  • Elle indique en effet, que durant son congé de maternité un salarié avait été engagé pour la remplacer définitivement.
  • Ce salarié figure sur l’organigramme de l’entreprise, le nom de la salariée en congé de maternité ayant lui disparu de l’organisation de l’entreprise.
  • Pour la Cour d’appel, le fait que le nom du salarié « remplaçant » figure sur l’organigramme de l’entreprise ne suffit pas à faire penser que le licenciement de la salariée en congé de maternité avait été prévu pendant cette période de protection totale.
  • La Cour de cassation en décide autrement.
  • Les juges s’appuient sur l’article 10 de la directive européenne (n° 92/82 du 19/10/1992) et indiquent que l’arrêt de la Cour d’appel doit être censuré.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier comme elle y était invitée, si l'engagement d'un salarié durant le congé de maternité de l'intéressée n'avait pas eu pour objet de pourvoir à son remplacement définitif, de sorte qu'il caractérisait une mesure préparatoire à son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Cour de cassation du 15/09/2010 arrêt 08-43299