L’adhésion à un CSP entraîne renonciation de la part du salarié aux propositions de reclassement

Jurisprudence
Paie Licenciement

Lorsqu’un salarié adhère à un CSP, cette adhésion n’empêche pas le salarié de contester le respect par l'employeur de l’obligation de reclassement, mais entraîne renonciation de sa part aux propositions de reclassement qui lui ont été faites.

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Une salariée est engagée en qualité d'aide dentaire stagiaire à compter du 2 octobre 1995.

En dernier lieu, elle occupait les fonctions d'assistante dentaire qualifiée.

Par lettre du 7 juin 2017, elle est convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé au 16 juin 2017, au cours duquel il lui a été proposé un CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle).

Par lettre du 22 juin 2017 elle s'est vue proposer, en exécution de l'obligation de reclassement, une réduction de son temps de travail pour occuper le poste d'assistante dentaire à temps partiel, avec une réponse souhaitée avant le 3 juillet 2017, offre qu'elle a refusée par lettre expédiée le 27 juin 2017.

Par lettre du 29 juin 2017 l'employeur lui notifie les motifs économiques de la rupture en lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, cette lettre constituerait la notification de son licenciement.

Après avoir adhéré, le 7 juillet 2017 au contrat de sécurisation professionnelle, elle saisit la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 16 août 2021, donne raison à la salariée, estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

L’arrêt retient que :

  1. L’employeur a formulé une proposition de poste de reclassement par lettre du 22 juin 2017 et que, par lettre recommandée du 29 juin 2017, il a notifié à la salariée son licenciement pour motif économique avant même de recevoir sa réponse à la proposition de reclassement qui lui a été distribuée le 30 juin 2017 et avant l'expiration du délai qu'il avait lui-même imparti à la salariée pour faire connaître son acceptation ou son refus de sa proposition de reclassement ;
  2. De sorte qu'il n'a pas accompli loyalement et sérieusement l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait

Mais l’employeur conteste cet arrêt et décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, donnant à cette occasion les arguments suivants : 

Lorsqu’un salarié adhère à un CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle) :

  • La rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti ;
  • Si cette adhésion ne prive pas le salarié du droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, elle entraîne toutefois nécessairement renonciation de sa part aux propositions de reclassement qui lui ont été faites. 

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

  1. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
  1. Cependant, le moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, étant de pur droit, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 4 de la convention Unedic du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle, agréée par arrêté ministériel du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-67 et L. 1233-4 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur :

  1. Il résulte de ces textes que lorsqu'un salarié adhère à un contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti. Si cette adhésion ne prive pas le salarié du droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, elle entraîne toutefois nécessairement renonciation de sa part aux propositions de reclassement qui lui ont été faites.
  1. Pour juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que l'employeur a formulé une proposition de poste de reclassement par lettre du 22 juin 2017 et que, par lettre recommandée du 29 juin 2017, il a notifié à la salariée son licenciement pour motif économique avant même de recevoir sa réponse à la proposition de reclassement qui lui a été distribuée le 30 juin 2017 et avant l'expiration du délai qu'il avait lui-même imparti à la salariée pour faire connaître son acceptation ou son refus de sa proposition de reclassement de sorte qu'il n'a pas accompli loyalement et sérieusement l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait.
  1. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la lettre du 29 juin 2017, qui n'avait d'autre but que de notifier à la salariée le motif économique du licenciement envisagé et de lui préciser qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, cette lettre constituerait la notification de son licenciement, n'avait pas eu pour effet de rompre le contrat de travail, d'autre part, que la salariée avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, laquelle adhésion emportait rupture du contrat de travail à l'issue du délai de réflexion et renonciation aux propositions de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-25012

L’affaire présente évoque les obligations de reclassement, dans le cadre d’un licenciement économique. 

Rappelons quelques principes majeurs à ce sujet, ces informations sont extraites d’une de nos fiches pratiques disponible sur notre site au lien suivant : 

Voici une présentation des importantes réformes apportées par les ordonnances Macron sur le licenciement économique, et plus précisément concernant l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur.

Thèmes

Contenus

Obligation reclassement

Sur ce point précis, il convient de se rapprocher de l’article L 1233-4 du code du travail, modifié récemment par l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017.

Efforts de formation et d’adaptation

Selon l’article précité, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Reclassement et emplois concernés

Le reclassement du salarié s'effectue :

  • Sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ;
  • Ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.

À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Communication offres de reclassement

Sur ce point précis, l’article L 1233-4 du code du travail indique que :

  • L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ;
  • Ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés ;
  • Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Article L1233-4

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

NOTA : 

Conformément à l'article 40 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

V.- Ces dispositions sont applicables aux procédures de licenciement économique engagées après la publication de ladite ordonnance.

X. - Les dispositions nécessitant des mesures d'application entrent en vigueur à la date de publication des décrets d'application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

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