Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée à compter du 1er janvier 1997 par contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1997 par une association, en qualité d'infirmière diplômée d'Etat au sein du service de soins infirmiers à domicile (SSIAD).
Invoquant une modification unilatérale de son contrat de travail du fait de son affectation, sans son accord, à compter du 1er novembre 2014 au service des appartements de coordination thérapeutique (ACT) avec suppression des soins infirmiers, la salariée, après avoir saisi le 27 avril 2015 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, a pris acte en cours d'instance, le 13 mai 2016, de la rupture de ce contrat.
La cour d'appel de Fort de France, par arrêt du 11 mars 2022, donne raison à la salariée, estimant que la prise d’acte devait s'analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
L’employeur décide de se pourvoir en cassation, estimant que « que la modification apportée au contrat de travail du salarié antérieurement au début de sa protection fonctionnelle ne peut caractériser une atteinte à un statut protecteur qui n'existait pas encore ».
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et apporte à cette occasion une précision importante comme suit :
Ayant été constaté qu'à la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
- La salariée bénéficiait d'un statut protecteur;
- Il s’en déduisait que cette prise d'acte justifiée, devait s'analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur, en dépit de la circonstance que la modification du contrat de travail avait été mise en œuvre avant que la salariée soit désignée en qualité de représentante de section syndicale.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- Lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission, peu important que les manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail aient eu lieu en partie avant l'obtention par le salarié du statut protecteur.
- Ayant constaté qu'à la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail la salariée bénéficiait d'un statut protecteur, la cour d'appel en a exactement déduit que cette prise d'acte, qu'elle a jugé justifiée, devait s'analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur, en dépit de la circonstance que la modification du contrat de travail avait été mise en oeuvre avant que la salariée soit désignée en qualité de représentante de section syndicale.
- Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
La prise d’acte est un mode de rupture assez méconnu, l’affaire présente nous permet de rappeler quelques principes généraux, et notamment lorsque cette prise d’acte est actée par un salarié protégé.
Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique.
Lire aussi : Quelles conséquences financières si la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul (salarié protégé) en 2024 ? Fiche pratique
Dans certaines situations, très encadrées par le code du travail, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul avec de nombreuses conséquences financières pour l’entreprise que notre fiche pratique vous détaille.
Principes généraux
À la différence de la prise d’acte par un salarié non protégé, la prise d’acte par un salarié protégé, lorsque les griefs justifient la rupture, produit les effets d’un licenciement nul et non ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 5 juillet 2006, N° de pourvoi 04-46009
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 février 2009, N° de pourvoi 07-44687
Indemnisation au titre de la violation du statut protecteur
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et que les griefs invoqués sont reconnus fondés par les juges, le salarié peut alors prétendre au paiement d’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et l'expiration de la période de protection.
Cour de cassation du 10/05/2006 pourvoi 04-40901
Indemnisation limitée à 30 mois de salaire
Dans une affaire abordée par la Cour de cassation le 14 octobre 2015, elle limite l’indemnisation à 30 mois de salaire.
Cour de cassation du 14/10/2015, pourvoi n° 14-12193
Dans ce premier arrêt du 15 avril 2015, la Cour de cassation avait déjà limité l’indemnité à 30 mois, alors que la cour d’appel avait envisagé le paiement de 40 mois de salaire.
Cour de cassation du 15 avril 2015, pourvoi n° 13-24182
Retrouver cet arrêt en détails sur notre site, en cliquant ici.
Lire aussi : Violation du statut protecteur d'un délégué du personnel : limitation de l'indemnité à 30 mois Jurisprudence
Une salariée est engagée en qualité d’aide-ménagère, par contrat CDD du 14 janvier 2000, par une association d’aides ménagères. A ce contrat CDD, se succède un contrat CDI du 1er ...
2ème arrêt du 15 avril 2015
Dans un autre arrêt, rendu également le 15 avril 2015, la Cour de cassation avait aussi limité l’indemnité à 30 mois, alors que la cour d’appel prévoyait le versement de 52 mois de salaire.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 15 avril 2015 N° de pourvoi: 13-27211
Pourquoi 30 mois de salaire ?
Cette limite de 30 mois correspond à un mandat de 2 ans (24 mois) auquel s’ajoutent 6 mois (protection au-delà du mandat) en référence à la durée minimale légale des mandats des représentants du personnel.
L’article L 2314-33 prévoyant un mandat de 4 ans et l’article L 2314-34 indiquant qu’il est possible de déroger à cette durée dans la limite de 2 ans.
Article L2314-33
Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 6 (V)
Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus pour quatre ans.
Le nombre de mandats successifs est limité à trois, excepté :
1° Pour les entreprises de moins de cinquante salariés ;
2° Pour les entreprises dont l'effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés, si l'accord prévu à l'article L. 2314-6 en stipule autrement.Le nombre maximal de mandats successifs fixé au deuxième alinéa du présent article s'applique également aux membres du comité social et économique central et aux membres des comités sociaux et économiques d'établissement sauf dans les entreprises ou établissements de moins de cinquante salariés et, le cas échéant, si l'accord prévu à l'article L. 2314-6 en stipule autrement, dans les entreprises ou établissements dont l'effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés.
Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.
Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Article L2314-34
Créé par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 1
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2314-33, un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des représentants du personnel au comité comprise entre deux et quatre ans.
NOTA :
Conformément à l'article 9 I de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les présentes dispositions entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 1er janvier 2018.
Rappelons enfin que cette même limitation s’était également appliquée au titre d’un médecin du travail (salarié protégé), un avis numéro 15013 du 15/12/2014 étant disponible à ce sujet.
Avis n° 15013 du 15 décembre 2014 (Demande 1470009) - ECLI:FR:CCASS:2014:AV15013
LA COUR DE CASSATION,
Vu les articles L.441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;Vu la demande d’avis formulée le 18 septembre 2014 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, reçue le 26 septembre 2014, dans une instance opposant M. (…) à la SAS (…) et ainsi libellée :
« Quelle doit être la durée de protection permettant de calculer le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur du médecin du travail licencié sans autorisation administrative ? » (…)
EST D’AVIS QUE :
Le médecin du travail licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux représentants du personnel.