Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'assistant qualité, à compter du 22 avril 1999.
Il occupe en dernier lieu les fonctions de responsable qualité sécurité environnement.
Le salarié est placé en arrêt de travail à compter du 29 mars 2019 et jusqu'au 30 septembre 2019.
Le 13 septembre 2019, il prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud'homale, aux fins que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 24 mars 2022, déboute le salarié de sa demande, écartant à cette occasion « le grief tenant à l'absence de prise en compte de l'audit interne réalisé par ce dernier en janvier 2019, en retenant que le manquement de l'employeur n'avait pas d'incidence sur la sécurité du salarié mais sur celle d'autres salariés embauchés de manière intérimaire. »
Le salarié insiste et décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel de Grenoble, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Chambéry.
Pour cela, la Cour de cassation indique présentement :
Pour statuer sur une demande de requalification d'une prise d'acte, les juges du fond doivent examiner l'ensemble des reproches formulés par le salarié à l'encontre de son employeur.
Une cour d’appel ne saurait considérer que la prise d’acte par un responsable qualité sécurité environnement, produit les effets d’une démission :
- Sans prendre en compte l'ensemble des reproches formulés par le salarié à l'encontre de son employeur dans sa lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail et dans ses conclusions, relatifs notamment à la falsification de documents par la responsable d'agence, des imitations de signature de salariés sur des fiches d'exposition et l'utilisation des documents falsifiés lors de l'audit officiel annuel les 28 février et 1er mars 2019, dont le salarié déduisait l'impossibilité de poursuivre l'exercice de ses fonctions.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu les articles L. 1231-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
- Selon le premier de ces textes, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.
- Aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
- Il en résulte que, pour statuer sur une demande de requalification d'une prise d'acte, les juges du fond doivent examiner l'ensemble des reproches formulés par le salarié à l'encontre de son employeur.
- Pour dire que la prise d'acte du salarié produit les effets d'une démission, l'arrêt écarte le grief tenant à l'absence de prise en compte de l'audit interne réalisé par ce dernier en janvier 2019, en retenant que le manquement de l'employeur n'avait pas d'incidence sur la sécurité du salarié mais sur celle d'autres salariés embauchés de manière intérimaire.
- En se déterminant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des reproches formulés par le salarié à l'encontre de son employeur dans sa lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail et dans ses conclusions, relatifs notamment à la falsification de documents par la responsable d'agence, des imitations de signature de salariés sur des fiches d'exposition et l'utilisation des documents falsifiés lors de l'audit officiel annuel les 28 février et 1er mars 2019, dont le salarié déduisait l'impossibilité de poursuivre l'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Commentaire de LégiSocial
Dans certaines situations la prise d’acte produit les effets d’une démission, nous vous proposons un bref rappel des notions à ce sujet.
Beaucoup plus de détails vous sont proposées au sein d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Quelles conséquences si la prise d'acte produit les effets d'une démission en 2024 ? Fiche pratique
Il peut arriver que la prise d’acte repose sur des griefs considérés comme « non-fondés », elle produit alors les effets d’une démission, avec des conséquences que la présente fiche pratique aborde en détails.
Les principes généraux
Dans ce cas, les griefs invoqués par le salarié n’ont pas été reconnus comme pouvant justifier la prise d’acte.
Sommes non dues
Ne sont donc pas dues les sommes suivantes :
- Indemnité de licenciement ;
- Indemnité compensatrice de préavis et congés afférents ;
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Sommes dues par le salarié
A contrario, le salarié peut être redevable du paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, la prise d’acte rompt le contrat de travail immédiatement, le salarié n’a donc pas effectué de préavis.
Cour de cassation du 4/02/2009, pourvoi 07-44142
Cour de cassation du 8/06/2011, pourvoi 09-43208