Calcul indemnité de rupture conventionnelle : le sort des primes et gratifications

Jurisprudence
Paie Rupture conventionnelle

L’indemnité de rupture conventionnelle ne prend en compte les primes et gratifications versées au cours du mois de référence, avec périodicité supérieure à un mois, que pour la part venant en rémunération de ce mois.

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Nota :

La présente affaire a été abordée sur une autre publication intitulée : 

Un salarié est engagé le 1er octobre 1999, et exerce en dernier lieu les fonctions de « ceinture noire d'amélioration continue ».

L'entreprise applique la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.

Le 12 octobre 2017, les parties signent une convention de rupture du contrat de travail et la rupture prend effet le 19 novembre suivant. 

Mais le salarié saisit la juridiction prud’homale contestant le montant de l’indemnité de rupture qui lui a été attribuée dans le cadre de la rupture conventionnelle, notamment sur la prise en compte de primes et gratifications. 

La cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 2 juin 2022, donne raison au salarié, condamnant l’entreprise « au paiement d'une certaine somme à titre de complément d'indemnité de rupture conventionnelle, l'arrêt retient que les dispositions conventionnelles visent la rémunération totale gagnée pendant le mois précédant le préavis de congédiement sans qu'aucune disposition ne stipule expressément une proratisation des primes ni une moyenne de rémunération mensuelle ». 

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt sur ce point précis, indiquant à cette occasion que : 

Dès lors que les dispositions conventionnelles prévoient que :

  • Pour le calcul de l'indemnité de licenciement, entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles ;
  • Il en résulte qu'à défaut d'autre disposition de la convention collective, celles des primes et gratifications versées au cours du mois de référence, et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération de ce mois.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article 14-3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, relatif aux ingénieurs et cadres :

10. Selon ce texte, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles notamment celles résultant de l'application de l'article 17.

11. Il en résulte qu'à défaut d'autre disposition de la convention collective, celles des primes et gratifications versées au cours du mois de référence, et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération de ce mois.

12. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de complément d'indemnité de rupture conventionnelle, l'arrêt retient que les dispositions conventionnelles visent la rémunération totale gagnée pendant le mois précédant le préavis de congédiement sans qu'aucune disposition ne stipule expressément une proratisation des primes ni une moyenne de rémunération mensuelle.

13. La cour d'appel en a déduit que le salarié était fondé à solliciter un complément d'indemnité calculé sur la base de la rémunération totale perçue en septembre 2017.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte précité 

Cour de cassation du , pourvoi n°22-19165

Nous profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant le calcul de l’indemnité versée dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique. 

Détermination du « salaire de référence » 

L’article 3 du décret 2017-1398 modifie l’article R 1234-4 du code du travail, confirmant la fixation du salaire de référence comme suit :

Le tiers des 3 derniers mois qui précédent la notification du licenciement ;

Le 1/12ème de la rémunération des 12 derniers mois qui précédent la notification du licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à 12 mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement.

Article R1234-4

Modifié par Décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017 - art. 3

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

NOTA : 

Conformément à l'article 4 du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements et mises à la retraite prononcés et aux ruptures conventionnelles conclues postérieurement à sa publication.

Cas particulier de « soit le tiers des trois derniers mois » 

Le Code du travail ne précise pas quels sont les mois devant être pris en compte.

Il était d’usage de considérer que les 3 mois en question s’entendaient comme étant les 3 mois précédant le terme du préavis.

L’arrêt de la Cour de Cassation évoque les 3 ou 12 derniers mois qui précédent le licenciement, soit la notification !

La Cour de Cassation s’est prononcée en indiquant qu’il fallait comprendre que le calcul du salaire de référence se faisait sur

« Sur les 12 ou sur les 3 derniers mois précédant le licenciement »

(Cour de cassation 11/03/2009 arrêt 07-42209 D et arrêt 07-40146D)

Composition du « salaire de référence » 

Sommes à prendre en compte 

Dans les salaires bruts retenus, doivent être pris en compte :

  • Tous les éléments y compris :
  • Avantages en nature ;
  • Primes obligatoires ;
  • Primes annuelles au prorata temporis ;
  • Toutes les primes conventionnelles, d’usage ou provenant d’un engagement unilatéral (à prendre au prorata temporis) ;
  • Indemnité de congés payés mais pas une éventuelle indemnité compensatrice de congés payés ;
  • Salaires rétablis s’il y a activité partielle, arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Sont à exclure  

  • Les remboursements de frais ;

Cour de cassation 25/06/1992 arrêt 90-41244

  • Les indemnités compensatrices de congés payés ;
  • L’indemnité compensatrice de préavis ;

Cour de cassation 11/03/2009 arrêt 07-40146 D

  • Les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement ;
  • Les primes facultatives ;

 Cour de cassation du 14/10/2009 arrêt 07-45587

  • Les droits capitalisés sur un Compte Épargne Temps.

 Cour de cassation du 10/07/2013 pourvoi 12-18273

Ainsi le salarié dont le préavis se termine le 20 septembre N pour un licenciement notifié 21 juin N (3 mois de préavis), on retiendra alors :

Selon la méthode des « 3 mois » :

  •  (Somme des salaires bruts mars+avril+mai N)/ 3 = salaire de référence 1

Selon la méthode des « 12 mois » :

  •  (Somme des salaires bruts juin 2014 à mai N)/12 = salaire de référence 2

 Sera alors retenue la valeur maximale entre :

  • Salaire de référence 1 et salaire de référence 2. 

Rétablir les salaires en cas « d’incidents de présence » 

Si le salaire a été réduit au cours des 3 ou 12 mois pour des causes comme : 

  • La maladie (professionnelle ou pas) ;
  • Le chômage partiel (activité partielle). 

L’entreprise peut opter dans ces cas-là sur plusieurs méthodes envisagées par la jurisprudence.

L’employeur doit rétablir le salaire « théorique » que le salarié aurait perçu s’il avait été présent ;

Cour de cassation du 3/11/1993 arrêt 92-40365 D

Reconstituer le salaire théorique sur la base du dernier mois, selon l’horaire habituel de l’établissement ;

Cour de cassation du 19/07/1988 arrêt 85-45003

Reconstituer le salaire sur la base des salaires des 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail ;

Cour de cassation du 16/12/1992 arrêt 90-44872

Au minimum : le salaire habituel 

Quelle que soit la méthode retenue (3 ou 12 derniers mois), le salaire de référence ne peut être inférieur au salaire qui aurait été versé en période normale. 

Le site du Ministère du Travail rappelle d’ailleurs ce principe sur son site, en date du 15/10/2012. 

« Si le salaire de l’année ou des 3 derniers mois est nettement inférieur au salaire habituel, c’est ce dernier qu’il faut retenir (le salaire habituel est celui que le salarié aurait perçu en temps normal, en dehors, par exemple, d’une période de chômage partiel ou d’une absence maladie non indemnisée en totalité). »

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