Chiffrage de l’indemnité de départ à la retraite : attention à la reprise d’ancienneté !

Jurisprudence
Paie Indemnités rupture

Lorsque les dispositions conventionnelles prévoient que l'ancienneté acquise par le salarié dans des entreprises relevant de son champ d’application est transférée, elle s’ajoute à celle acquise dans l’entreprise.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité d'agent prévention sécurité chef de poste.

Le contrat de travail de ce dernier lui a été transféré avec reprise d'ancienneté depuis le 1er juillet 1999.

Le salarié, qui a fait valoir ses droits à la retraite à partir du 31 décembre 2019, saisit la juridiction prud'homale en paiement d'une somme à titre d'indemnité de départ à la retraite. 

La cour d'appel de Caen, par arrêt du 17 mars 2022, donne raison au salarié. 

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, et rejette le pourvoi formé par l’employeur.

Elle indique à cette occasion que : 

Compte tenu du fait que les dispositions conventionnelles

  • Prévoient que l'anciennetéacquise par le salarié, de façon continue dans les entreprises relevant du champ d'application de la convention, est transférée chez le nouvel employeur en cas de transfert d'entreprise et doit être prise en compte pour l'application des dispositions conventionnelles qui se réfèrent à la notion d'ancienneté ;
  • L’'indemnité de départ à la retraitedoit être calculée en tenant compte non seulement de la période d'emploi continu dans l'entreprise mais également de l'ancienneté acquise par le salarié au moment de son transfert.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. D'abord, selon l'article 10 de l'annexe IV de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, le salarié a droit à une indemnité de départ à la retraite fixée selon son ancienneté dans l'entreprise, telle que définie par l'article 6.05 de ladite convention.
  1. Selon l'article 6.05 de la convention collective, l'ancienneté dans l'entreprise est le temps pendant lequel le salarié a été employé d'une façon continue dans cette entreprise, quelles que puissent être les modifications survenant dans la nature juridique de celle-ci.
  1. Ensuite, l'article 3.1.2 de l'avenant du 11 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et sécurité, précise que dans l'avenant au contrat de travail prévu à l'article 3.1.1 ci-dessus, l'entreprise entrante doit obligatoirement mentionner la reprise de l'ancienneté acquise avec le rappel de la date d'ancienneté contractuelle.
  1. Il en résulte que l'ancienneté acquise par le salarié, de façon continue dans les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective, est transférée chez le nouvel employeur et doit être prise en compte pour l'application des dispositions conventionnelles qui se réfèrent à la notion d'ancienneté.
  1. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'ancienneté prévue par les articles 10 de l'annexe IV et 6.05 de la convention collective du 15 février 1985 devait se comprendre comme incluant non seulement la période d'emploi continu dans l'entreprise mais également l'ancienneté acquise par le salarié au moment de la reprise.
  1. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°22-16538

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire aborde le chiffrage de l’indemnité versée dans le cadre d’un départ à la retraite, et plus précisément la prise en compte de l’ancienneté. 

Rappelons les notions importantes à ce sujet, les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique. 

Décompte de l’ancienneté

Méthode retenue

Les dispositions prévues dans le cadre du licenciement (ou de la mise à la retraite) s’appliquent selon nous dans les mêmes conditions concernant le chiffrage de l’indemnité versée en cas de départ volontaire à la retraite.

C’est ainsi qu’en cas d’année incomplète « l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets».

Cela confirme expressément que l’ancienneté retenue pour déterminer l’indemnité de départ volontaire ne prend en compte que :

  • Des années complètes ;
  • Et des mois complets ;
  • Excluant de fait les jours. 

En conséquence, un salarié justifiant d’une ancienneté de 5 ans, 2 mois et 29 jours percevra la même indemnité légale qu’un salarié justifiant d’une ancienneté de 5 ans et 2 mois.

Détermination de l’ancienneté pour chiffrage indemnité

L’ancienneté prise en compte est :

Soit celle qui a été acquise à l’annonce par le salarié

  • En cas de dispense demandée par le salarié et accord de l’employeur. 

Soit celle qui a été acquise au terme du préavis 

  • En cas de préavis effectué ;
  • En cas de dispense demandée par l’employeur.

Détermination de l’ancienneté pour chiffrage indemnité : périodes exclues

ICCP

Un arrêt de la Cour de cassation indique que l’ancienneté prise en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement ne comprend pas les congés payés non pris qui correspondent à l’indemnité compensatrice de congés payés.

Cour de cassation du 19/02/1991 arrêt 88-42460

Périodes de suspension du contrat de travail 

Les périodes de suspension du contrat n'entrent pas en compte pour le calcul de l'indemnité légale.

 Cour de cassation du 5/05/1982, pourvoi n°  80-40.698

Sont néanmoins prises en compte les périodes de suspension assimilées à un travail effectif pour le calcul de l'ancienneté (congés payés, arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou maladie professionnelle, congé de maternité, etc.)

Précision importante concernant les périodes de suspension du contrat de travail

Selon les termes de l’article L1234-11, les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu soit de dispositions légales, soit d'une convention ou d'un accord collectif de travail, soit de stipulations contractuelles, soit d'usages :

  • Ne rompent pas l'ancienneté du salarié appréciée pour la détermination du droit à l'indemnité de licenciement ;
  • Mais n’entrent toutefois pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions. 

Article L1234-11

Les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu soit de dispositions légales, soit d'une convention ou d'un accord collectif de travail, soit de stipulations contractuelles, soit d'usages, ne rompent pas l'ancienneté du salarié appréciée pour la détermination du droit à l'indemnité de licenciement.

Toutefois, la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.