Lettre de licenciement : l’employeur peut invoquer plusieurs motifs différents

Jurisprudence
Paie Licenciement

L'employeur, dans le respect des règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité de directeur, le 16 août 2002, par une association.
Mis à pied à titre conservatoire le 27 mars 2014 puis licencié le 17 avril 2014, il saisit la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement, notamment le contenu de sa lettre de licenciement

La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 2 juin 2022, déboute le salarié de sa demande, mais ce dernier décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel. 

Elle confirme à cette occasion que :

L'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement :

  • Peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. L'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.
  1. La cour d'appel, après avoir rappelé que la lettre de licenciement visait deux cas de licenciement, une insuffisance professionnelle et une faute, et examiné les éléments de fait et de preuve versés au débat, a d'abord retenu que, si le grief disciplinaire n'était pas établi, celui fondé sur l'insuffisance professionnelle était démontré. Exerçant ensuite les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement du salarié procédait d'une cause réelle et sérieuse.
  1. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-19733

Commentaire de LégiSocial

Le présent arrêt est pour nous l’occasion de rappeler des notions fondamentales concernant la lettre de licenciement pour motif personnel.

Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique. 

La notification du licenciement.

Notification par lettre recommandée selon le Code du travail

L’employeur doit respecter le délai de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien au licenciement auquel le salarié a été convoqué ;

Article L1232-6

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement.

Date de l’entretien

Les 2 jours ouvrables

Date d’expédition lettre de licenciement

Lundi

Mardi +Mercredi

Jeudi

Mardi

Mercredi+ Jeudi

Vendredi

Mercredi

Jeudi+ Vendredi

Samedi

Jeudi 

Vendredi+ Samedi+ dimanche 

Lundi 

Vendredi

Samedi+ dimanche+ lundi

Mardi

Samedi

Dimanche+ lundi+ Mardi

mercredi

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

C’est la date d’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception qui marque la rupture du contrat de travail.

C’est à cette date que l’employeur doit évaluer :

  1. Si le salarié peut prétendre au versement d’une indemnité de licenciement compte tenu de son ancienneté. C’est donc à cette date que l’on évaluera s’il justifie d’une ancienneté minimum de 1 an (quand bien même il aurait une ancienneté de 1 an et plus au terme de la période de préavis) ;
  2. Si le salarié peut prétendre à un préavis et quelle en est sa durée.

La cour de cassation dans son arrêt du 26 septembre 2006 confirme ces dispositions.

Pour un licenciement disciplinaire, le délai maximum est d’un mois (pour un autre motif le code du travail n’impose pas de délai maximum).

Délai en cas de report 

Le délai « d’un mois » en cas de licenciement disciplinaire et d’entretien préalable reporté :

Report à la demande du salarié : lorsque l'entretien a été reporté à la demande du salarié (et avec l'accord bien sûr de l'employeur), c'est la date du second entretien qui sert de point de départ pour le calcul du délai d'un mois.

Cour de cassation du 16/03/2004, pourvoi n° 01-43111 (demande expresse du salarié)

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué retient que le licenciement pour faute grave a été prononcé le 27 octobre 1997, plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'entretien préalable, initialement fixé au 25 septembre 1997, avait été reporté, à la demande du salarié, à la date du 7 octobre 1997 et que le licenciement était intervenu dans le mois suivant, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Cour de cassation du 7/06/2006, pourvoi n°04-43819 (impossibilité de se présenter en raison d’un arrêt maladie)

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur informé dès le 3 décembre 2001 de la prolongation de l'arrêt de travail du salarié, n'ayant pas pour autant décidé de reporter l'entretien préalable fixé au 4 décembre, mais attendu le 19 décembre pour lui adresser une nouvelle convocation, c'est bien à la première de ces deux dates qu'il convient de se placer pour déterminer le jour fixé pour l'entretien préalable ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'entretien préalable initialement fixé au 4 décembre, avait été reporté au 28 décembre, en raison de l'impossibilité pour le salarié en arrêt maladie de s'y présenter, et que le licenciement était intervenu dans le mois suivant la tenue de l'entretien, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Report à la demande de l’employeur : en cas de report de la seule initiative de l’employeur, le point de départ du délai de notification reste celui qui est calculé selon la date de l’entretien initialement prévue.

Arrêt Cour de cassation du 23/01/2013, pourvoi n°11-22724 (absence du salarié lors du 1er entretien)

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'après avoir relevé que la nouvelle convocation pour un entretien prévu pour le 2 septembre 2008 résultait, non pas d'une demande de report du salarié ou de l'impossibilité pour celui-ci de se présenter au premier entretien, mais de la seule initiative de l'employeur, la cour d'appel a, retenant exactement comme point de départ du délai la date du 31 juillet correspondant à l'entretien auquel ce salarié ne s'était pas présenté, constaté que le délai, tant légal que conventionnel, calculé à compter de cette date, était expiré lors du licenciement ; 

Arrêt Cour de cassation du 20/05/2014, pourvoi n°12-28046 (le salarié ne retire pas sa lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable)

Extrait de l’arrêt :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 septembre 2012), que M. X... a été engagé le 13 juin 2006 par la société (…) en qualité de chauffeur-livreur ; que convoqué à un entretien préalable fixé au 9 septembre 2008, il n'a pas retiré la lettre recommandée et a fait l'objet d'une seconde convocation pour un entretien fixé au 25 septembre 2008 auquel il ne s'est pas présenté ; qu'il a été de nouveau convoqué à un entretien fixé au 9 octobre 2008 ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 16 octobre 2008 ; (…)

Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait été régulièrement convoqué à un entretien préalable fixé au 9 septembre 2008 et qu'il n'avait pas été empêché de s'y présenter, la cour d'appel a retenu à bon droit que le licenciement intervenu le 16 octobre 2008 était hors délai ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Forme de la notification : le décret du 20/01/2012

Décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends. JORF n°0019 du 22 janvier 2012 page 1280

Le décret indique que l’article 667 du code de procédure civile est désormais complété par un alinéa prévoyant que la notification en la forme ordinaire (sous-entendu par lettre remise en main propre) peut être faite, y compris si la loi ne prévoit la notification que par la voie postale (comme en cas de licenciement).

Article 36

L'article 667 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n'aurait prévu que la notification par la voie postale. »

La version définitive du Code de procédure civile est désormais la suivante :

Article 667

Modifié par Décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 - art. 36

La notification est faite sous enveloppe ou pli fermé, soit par la voie postale, soit par la remise de l'acte au destinataire contre émargement ou récépissé.

La notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n'aurait prévu que la notification par la voie postale.

Le décret confirme que cette nouvelle disposition entre en vigueur le lendemain de la publication au JO, soit le 23/01/2012

Les conséquences ?

Cette disposition met un cadre légal à des pratiques assez couramment rencontrées dans des contentieux entourant les licenciements.

La Cour de cassation dans son jugement du 7 juillet 2010 confirme que le licenciement n’est pas obligatoirement notifié par lettre recommandée avec avis de réception.

Cour de cassation du 07/07/2010 pourvoi E 08-45.139 arrêt 1454 F-D

Attention à la transaction !

Il est utile de rappeler qu’une notification d’un licenciement par lettre remise en main propre interdit par la suite toute procédure de transaction.

Cour de cassation du 07/07/2010 pourvoi E 08-45.139 arrêt 1454 F-D

Nous avons consacré un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver avec le lien suivant :

http://www.legisocial.fr/jurisprudences-sociales/028-pas-de-transaction-sans-notification-par-lettre-recommandee.html