Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de technicien installateur de luminaires, suivant contrat de travail du 12 mai 2014.
Le 20 avril 2018, le salarié est licencié.
Le 20 mars 2019, il saisit la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Le 14 janvier 2020, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société.
La cour d'appel de Rouen, par arrêt du 1er septembre 2022, déboute le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires, retenant pour cela le fait :
- Les temps de trajet étaient pris en compte de manière séparée et rémunérés en tant que tels jusque fin novembre 2017, qu'alors que les modalités de travail du salarié n'ont pas évolué, les enregistrements opérés ne mentionnent plus les temps de trajet qui doivent être décomptés du temps effectif de travail pour apprécier la durée effective de travail.
La Cour de cassation n’est pas du même avis que la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Caen.
Elle confirme à l’occasion de son arrêt que :
- Lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail ;
- Ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code (NDLR : temps de déplacement) ;
- De sorte que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail :
- Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
- Selon le second, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.
- Il résulte de ces textes, d'une part, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code, d'autre part, que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif.
- Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que les temps de trajet étaient pris en compte de manière séparée et rémunérés en tant que tels jusque fin novembre 2017, qu'alors que les modalités de travail du salarié n'ont pas évolué, les enregistrements opérés ne mentionnent plus les temps de trajet qui doivent être décomptés du temps effectif de travail pour apprécier la durée effective de travail.
- En se déterminant ainsi, sans vérifier, d'une part, si pendant les temps de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l'employeur et ne se conformait pas à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, et, d'autre part, si certains trajets n'étaient pas effectués dans la même journée par le salarié d'un lieu de travail à un autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [E] en fixation de sa créance au titre d'un rappel pour heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé au passif de la liquidation judiciaire de la société (…) et en ce qu'il statue sur les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente aborde une notion très importante en paie et en RH : le temps de travail effectif.
Rappelons les notions essentielles sur cette thématique, extraits d’une de nos fiches pratiques :
Lire aussi : La durée légale du temps de travail en 2024 Fiche pratique
Décomptée de façon hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, la présente fiche pratique aborde les principes généraux de la durée légale du temps de travail en 2024.
La définition du temps de travail effectif
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié :
- Est à la disposition de l'employeur ;
- Et se conforme à ses directives ;
- Sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles
Ces 3 conditions doivent être cumulativement respectées afin que le temps de travail concerné soit considéré comme étant du « temps de travail effectif ».
Article L3121-1
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.