Le malaise d’une salariée devant une instance disciplinaire est un accident du travail

Jurisprudence
Paie Maintien employeur pour maladie, accident du travail, maladie professionnelle

Une salariée qui comparait devant une instance appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire, a un malaise. Cet accident doit être déclarée à la CPAM, quelle que soit l’opinion de l’employeur sur les causes de l'accident.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de factrice, par contrat de travail en date du 2 février 2001.

Victime d'un accident du travail le 9 avril 2013, elle reprend son poste de travail le 23 mars 2015, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, avant d'être à nouveau placée en arrêt de travail du 9 avril 2015 au 3 mai 2015, puis du 8 au 24 août 2015.

Le 31 août 2015, la société lui notifie une mise à pied à titre disciplinaire avec privation de salaire durant trois mois.

La salariée est de nouveau en arrêt de travail à compter du 20 juin 2016, sans interruption jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juillet 2016, elle fait un malaise le 21 septembre 2016, lors de sa venue devant la commission consultative paritaire.

Elle est licenciée le 27 octobre 2016.

Soutenant avoir subi un harcèlement moral et avoir été licenciée alors que son contrat de travail était suspendu au titre d'un accident de travail, la salariée saisit la juridiction prud'homale le 31 janvier 2017 aux fins de juger son licenciement nul, d'ordonner à la société de déclarer des accidents de travail aux dates des 7 août 2015 et 21 septembre 2016, d'annuler la mise à pied disciplinaire du 31 août 2015 ou subsidiairement de la dire injustifiée et de condamner la société à lui verser diverses sommes.

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 21 avril 2022, déboute la salariée de sa demande au titre d’un défaut de déclaration d’accident du travail, retenant pour cela que :

  • La salariée a subi un malaise lorsqu'elle s'est rendue devant la commission consultative paritaire ;
  • Mais que son contrat étant suspendu à la date des faits ;
  • N’avait pas pour cause le travail et ne devait pas être pris en charge au titre de la législation relative aux accidents de travail.

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée. 

Elle confirme à cette occasion qu’il avait été constaté que : 

  • La salariée comparaissait devant une instance appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire ;
  • Lorsqu’elle a eu un malaise, ce dont il résultait que, nonobstant la suspension de son contrat de travail ;
  • Elle se trouvait sous la dépendance et l'autorité de son employeur, lequel devait déclarer cet accident à la caisse primaire d'assurance maladie dont relevait la salariée, quelle que soit son opinion sur les causes de l'accident.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-1, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, et L. 441-2 du code de la sécurité sociale :

  1. Selon le premier de ces textes, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
  1. Selon le second de ces textes, l'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés.
  1. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre du défaut de déclaration d'un accident de travail survenu le 21 septembre 2016, l'arrêt retient que la salariée a subi un malaise lorsqu'elle s'est rendue devant la commission consultative paritaire, mais que son contrat étant suspendu à la date des faits, il n'a pas pour cause le travail et ne devait pas être pris en charge au titre de la législation relative aux accidents de travail.
  1. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée comparaissait devant une instance appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire lorsqu'elle a eu un malaise, ce dont il résultait que, nonobstant la suspension de son contrat de travail, elle se trouvait sous la dépendance et l'autorité de son employeur, lequel devait déclarer cet accident à la caisse primaire d'assurance maladie dont relevait la salariée, quelle que soit son opinion sur les causes de l'accident, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les dispositions susvisées.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [I] de ses demandes tendant à ordonner, sous astreinte, à la société (…) de procéder à une déclaration d'accident du travail à la date du 21 septembre 2016 auprès de l'organisme de sécurité sociale compétent et à la condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour défaut de déclaration d'accident du travail ainsi qu'un rappel de salaire et les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 21 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, seulement sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-18798

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques principes fondamentaux concernant la reconnaissance d’un accident du travail.

Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique : 

La définition de l’accident du travail

L’accident du travail est l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, et ce quelle qu’en soit la cause, à toute personne salariée à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Article L411-1

Version en vigueur depuis le 01 septembre 2023

Modifié par LOI n°2023-270 du 14 avril 2023 - art. 1 (V)

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne mentionnée à l'article L. 311-2.

Conformément au IX de l’article 1er de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, ces dispositions entrent en vigueur le 1er septembre 2023.

Pour information, version du code de la Sécurité sociale (avant la loi n°2023-270 du 14 avril 2023) :

Article L411-1

Créé par Décret 85-1353 1985-12-17 art. 1 JORF 21 décembre 1985

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Extrait du site Ameli.fr, consultation du 31 janvier 2019 :

Définir l'accident du travail

Le Code de la sécurité sociale définit l'accident du travail ainsi : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

À l'origine de l'accident du travail, on doit donc retrouver deux éléments :

un fait accidentel pouvant être daté avec précision et qui est à l'origine d'une lésion corporelle ou psychique ;

l'existence d'un lien de subordination entre la victime et son employeur au moment de l'accident.

La présomption d'imputabilité

Si votre lésion corporelle est survenue sur votre lieu de travail et au moment où vous deviez vous y trouver, vous bénéficiez de la présomption d'imputabilité.

Le caractère professionnel de votre accident est en principe reconnu, sauf si votre employeur ou la caisse d'assurance maladie prouvent que votre lésion a une origine autre ou que vous n'étiez pas sous l'autorité de votre employeur au moment de l'accident.

Si l'accident est survenu en dehors du temps de travail par exemple, vous ne bénéficiez plus de la présomption d'imputabilité. C'est alors à vous d'apporter tous les éléments de preuve faisant le lien entre votre accident et votre activité professionnelle.

La définition de l’accident du travail selon le site Ameli

La consultation du site Ameli.fr, en date du 14 novembre 2022, donne la définition suivante de l’accident du travail :

Extrait du site :

QU'EST-CE QU'UN ACCIDENT DU TRAVAIL ?

Selon le Code de la sécurité sociale, la définition d’un accident du travail est la suivante : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

En pratique, on dit qu'il y a accident du travail :

  • S’il existe un lien de subordinationentre la victime et son employeur au moment de l'accident ;
  • Que l'accident est à l'origine de lésions corporellesou psychiques
  • Et qu’il peut être datéavec précision.

Cas de l’accident hors du lieu de travail ou hors du temps de travail 

La consultation du site Ameli.fr, en date du 14 novembre 2022, confirme que l’assuré ne « bénéficie plus de la présomption d’imputabilité », il lui revient alors d’apporter les preuves faisant le lien entre l’accident et l’activité professionnelle :

Extrait du site : 

Vous avez eu un accident hors de votre lieu de travail ou en dehors de vos horaires de travail

Vous ne bénéficiez plus de la présomption d'imputabilité. C'est à vous d'apporter toutes les preuves faisant le lien entre votre accident et votre activité professionnelle. Les témoignages peuvent jouer un rôle essentiel : si nécessaire indiquez le nom et les coordonnées des témoins sur la déclaration d’accident. 

Lieu de travail

L’accident qui se produit sur le lieu de travail est considéré comme accident du travail.

Article L411-1

Version en vigueur depuis le 01 septembre 2023

Modifié par LOI n°2023-270 du 14 avril 2023 - art. 1 (V)

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne mentionnée à l'article L. 311-2.

Conformément au IX de l’article 1er de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, ces dispositions entrent en vigueur le 1er septembre 2023.

Article L411-2

Modifié par Loi n°2001-624 du 17 juillet 2001 - art. 27 JORF 18 juillet 2001

Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d'aller et de retour, entre :

1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d'un covoiturage régulier ;

2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.

On remarquera que le Code de la Sécurité sociale utilise la terminologie « accident du travail » pour les deux évènements. 

C’est au niveau de l’employeur que le traitement sera différent en cas d’arrêt de travail consécutif à un accident de travail ou un accident de trajet.  

Accident du salarié pendant le travail et en état d’ébriété = accident du travail

Un salarié est engagé en qualité de conducteur au sein d’une entreprise de transports.

Alors qu’il circule au volant de son camion, pendant son travail, il est victime d’un accident de la circulation.

Au moment des faits, il présente un taux d’alcoolémie de 1.21g/1000 (une bouteille de porto sera retrouvée dans le camion).

La CPAM reconnaît ici le caractère accident du travail ce que l’employeur réfute totalement.

Pour ce dernier, le salarié ne se trouvait pas en activité, compte tenu du fait qu’il commettait des actes qui ne relevaient pas de son activité, à savoir boire au volant.

Ce n’est pas l’avis des juges de la Cour de cassation qui déboutent l’employeur de sa demande.

Ils considèrent qu’il y avait bien en l’espèce un accident du travail, nonobstant le fait que le salarié se trouvait en état d’ébriété avancé ! 

Retrouver notre actualité à ce sujet

Cour de cassation du 17/02/2011 Pourvoi V 09-70.802