Contexte de l'affaire
NDLR : arrêt rendu avant la réforme des congés payés et période de report…
Une salariée est engagée en qualité de machiniste receveur, le 29 mars 2004.
Le 30 juin 2012, elle est victime d'un accident du travail et placée en arrêt de travail du 4 juillet 2012 au 31 août 2013 puis du 1er décembre 2014 au 13 avril 2015.
Le 16 juin 2015, l’employeur lui notifie sa révocation pour faute grave.
Contestant la rupture de son contrat de travail, la salariée saisit la juridiction prud'homale, réclamant notamment le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 19 mai 2022, déboute la salariée de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés, retenant pour cela le fait que :
- La salariée s'étant abstenue de poursuivre son emploi dès le 14 avril 2015 et de justifier de ses absences ;
- Elle ne peut en revendiquer la rémunération.
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt.
A cette occasion la Cour de cassation confirme que :
- Lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
- Les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu les articles L. 3141-1, interprété à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, L. 3141-26, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, et D. 3141-7 du code du travail :
- Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive susvisée, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail.
- Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés acquis antérieurement à l'accident du travail et décomptés par l'employeur du 24 avril au 3 mai 2015, l'arrêt retient que la salariée s'étant abstenue de poursuivre son emploi dès le 14 avril 2015 et de justifier de ses absences, elle ne peut en revendiquer la rémunération.
- En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [M] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la perte de chance du bénéfice de la réforme médicale, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt, rendu rappelons-le avant la réforme des congés payés issue de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, aborde le report des congés payés lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de les utiliser en raison d’arrêts maladie ou consécutifs à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Profitons de l’affaire présente pour rappeler le régime du report des congés payés, depuis la réforme portée par la loi du 22 avril 2024.
Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique.
Lire aussi : Le régime du « report des congés payés non utilisés » en 2024 Fiche pratique
La présente fiche pratique vous présente le régime des congés payés acquis, mais non utilisés, selon la réforme portée par la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, ainsi que d’autres dispositions sur le même thème, non modifiées par la loi.
Report CP : principes généraux
LOI n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, JO du 23
En matière de report des CP, il convient d’avoir en tête que 2 situations différentes sont à envisager :
Situation 1 : CP acquis avant l’arrêt de travail
Dans ce cas, il convient d’appliquer les dispositions de l’article L 3141-19-1 du code du travail :
- Lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie (professionnelle ou non) ou d’accident du travail ;
- De prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis ;
- Il bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser.
En d’autres termes, il s’agit ici de permettre au salarié de « solder » des congés payés acquis, mais qu’il n’a pas été en mesure déposer durant la période « normale » de prise de congés payés.
Début de la période de report
Précision importante :
- Cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations de son employeur, prévues à l’article L. 3141 19 3.
Article L. 3141-19-1
Lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie d’une période de report de quinze mois afin de pouvoir les utiliser.
Cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l’article L. 3141 19 3.
Article L. 3141-19-3
Au terme d’une période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur porte à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :
1° Le nombre de jours de congé dont il dispose ;
2° La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Une période de report qui peut être augmentée
Selon le nouvel article L. 3141-21-1 du code de travail :
- Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de report supérieure à 15 mois (NDLR : sans toutefois pouvoir en réduire sa durée, celle de 15 mois correspondant à une « durée minimale ».
Article L. 3141-21-1.
Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de report supérieure à celle prévue à l’article L. 3141-19-1.
Des congés perdus au-delà de 15 mois
À l’issue de la période de 15 mois :
- Si le salarié n’a pas pu solder ses congés payés ;
- Ces derniers seraient alors définitivement perdus.
Situation 2 : CP acquis durant un arrêt de travail
De façon dérogatoire, s’appliquent les dispositions de l’article L 3141-19-1 du code du travail :
- Lorsque les congés ont été acquis au cours des périodes mentionnées aux 5° ou 7° de l’article L. 3141 5 (CP acquis durant un arrêt de travail consécutif à AT/MP ou maladie ordinaire) ;
- La période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l’accident ;
- Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n’a pas expiré, est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations de son employeur, prévues à l’article L. 3141 19 3.
Article L. 3141-19-2
Par dérogation au second alinéa de l’article L. 3141 19 1, lorsque les congés ont été acquis au cours des périodes mentionnées aux 5° ou 7° de l’article L. 3141 5, la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l’accident.
Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n’a pas expiré, est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l’article L. 3141 19 3.
Article L. 3141-19-3
Au terme d’une période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur porte à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :
1° Le nombre de jours de congé dont il dispose ;
2° La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Une période de report qui pourrait débuter durant l’arrêt de travail
Il est à noter que :
- Cette période de report de 15 moispourrait donc démarrer alors que le salarié est toujours en arrêt de travail, sans attendre la reprise du travail.