Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 2 juin 1999.
A la suite du transfert de son contrat de travail, il occupait, en dernier lieu, le poste de chef d'équipe de sécurité incendie auprès d’une société de prévention et sécurité.
Le salarié est déclaré inapte à son poste le 27 novembre 2017, par avis du médecin du travail précisant qu'il pouvait être affecté à un poste comportant des horaires fixes en journée.
Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 16 janvier 2018, il saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Il considère en effet que son licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, son employeur n’ayant pas rempli son obligation de reclassement selon les dispositions légales.
La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 11 mars 2022, donne raison au salarié.
Elle considère le licenciement sans cause réelle et sérieuse, retenant pour cela que :
- Si l'employeur a interrogé le médecin du travail sur les préconisations de reclassement du salarié le 4 décembre 2017 et a le même jour, effectué des recherches de reclassement auprès du service des ressources humaines, y compris par un « mail type » diffusé au sein du groupe les 12 et 15 décembre ;
- Il a donné à ses recherches une délimitation trop vague pour ne pas avoir attendu les préconisations du médecin du travail, limitant ainsi ses recherches à l'égard des autres sociétés du groupe.
La cour d'appel en conclut que l'employeur n'avait pas procédé à une recherche loyale et complète des possibilités de reclassement en ne tenant compte que de manière partielle de l'avis du médecin du travail.
Mais l’employeur conteste ce raisonnement et décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d'appel de Rennes, renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Angers
Elle indique à cette occasion que :
En cas d’inaptitude :
- L’employeur n'a pas l'obligation d'attendre les précisions du médecin du travail pour engager ses recherches de reclassement.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
6. Selon ce texte, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4 du code du travail, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
7. Pour dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que, si l'employeur a interrogé le médecin du travail sur les préconisations de reclassement du salarié le 4 décembre 2017 et a le même jour, effectué des recherches de reclassement auprès du service des ressources humaines, y compris par un « mail type » diffusé au sein du groupe les 12 et 15 décembre, il a donné à ses recherches une délimitation trop vague pour ne pas avoir attendu les préconisations du médecin du travail, limitant ainsi ses recherches à l'égard des autres sociétés du groupe.
8. La cour d'appel en a conclu que l'employeur n'avait pas procédé à une recherche loyale et complète des possibilités de reclassement en ne tenant compte que de manière partielle de l'avis du médecin du travail.
9. En se déterminant ainsi, alors que l'employeur n'a pas l'obligation d'attendre les précisions du médecin du travail pour engager ses recherches de reclassement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) prévention et sécurité à payer à M. [G] la somme de 25 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage versées à M. [G] dans la limite de six mois d'indemnités et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Commentaire de LégiSocial
Nous profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant l’obligation de reclassement qui repose sur l’employeur, en cas d’inaptitude du salarié.
Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Quelles sont les procédures en cas de licenciement pour inaptitude en 2024 ? Fiche pratique
En cas d’inaptitude du salarié (qu’elle soit d’origine professionnelle ou non) et impossibilité de reclassement, des procédures particulières sont à respecter. Elles vous sont décrites dans la présente fiche pratique.
Obligation de reclassement
Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :
- Article L 1226-2-1 ;
- Article L 1226-12 ;
- Article L 1226-20.
Article L1226-2-1
Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Article L1226-12
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Article L1226-20
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.
Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.
Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.
La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.
Sont ainsi confirmés les points suivants :
- L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
- Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).
Dispense obligation de reclassement
La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.
Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :
- Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :
- En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
- Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.