Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne 2 salariés, engagés en qualité d'éducateur sportif par une association.
Le 9 octobre 2017, les salariés sont licenciés pour motif économique.
Le 8 juin 2018, ils saisissent la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de l'exécution de leur contrat de travail.
Ils réclament notamment le paiement d’un rappel de salaire pour le temps d'habillage/déshabillage.
Pour cela la cour d’appel retient que :
- Selon leur contrat de travail, les salariés sont tenus d'assurer l'accueil et l'encadrement des pratiquants, avec des contraintes spécifiques pour les ateliers sportifs destinés aux enfants ;
- Que les intéressés se réfèrent à la note émanant de la ville, à destination des usagers et des associations, affichée dans les locaux sportifs, définissant les créneaux horaires en ces termes : « Les créneaux horaires attribués s'étendent de l'entrée à la sortie d'établissement et les temps d'habillage et déshabillage doivent entrer dans les créneaux »,
- Et soutiennent donc que l'intervenant sportif doit nécessairement être prêt, c'est-à-dire être dans la tenue adéquate, afin d'une part d'en assurer l'accueil et d'autre part de veiller à leur sécurité.
Il s’en déduit que les salariés présentent et invoquent des éléments pertinents concernant le temps d'habillage et déshabillage, déclenchant le paiement d’un rappel de salaires.
Mais l’employeur conteste ce point de vue et décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Au sein de son arrêt, la Cour de cassation argumente de la manière suivante :
Vu l'article 5.1.1 de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 :
- Le temps de travail effectif, dans le cadre de l'horaire collectif ou individuel fixé par l'employeur, est défini comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;
- Lorsque les critères définis au 1er alinéa sont réunis, sont considérées notamment comme du temps de travail effectif les durées nécessaires à l'habillage et au déshabillage sur le lieu de travail dans le cadre d'une tenue particulière.
Une cour d’appel ne saurait alors condamner l’employeur à verser rappel de salaire pour le temps d'habillage/déshabillage :
Sans rechercher si les salariés se tenaient, durant les périodes d'habillage et de déshabillage, à la disposition de l'employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3, 4°, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :
11. Il résulte de ce texte que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement.
12. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et allouer aux salariés diverses sommes au titre de la rupture, les arrêts relèvent que la lettre de licenciement précisait comme motif le non-renouvellement des créneaux sportifs en raison de la suppression par la ville de [Localité 4] de toutes les aires sportives mises à disposition de l'association (terrains, piscines, gymnases) rendant impossible la poursuite des ateliers sportifs et obligeant en conséquence celle-ci à clore toutes les activités entraînant la suppression de tous les postes et donc ceux des salariés, la décision de la ville n'étant pas temporaire mais définitive. Ils retiennent que l'association ne fait dans la lettre de licenciement nullement référence à une quelconque tentative de reclassement, encore moins à un éventuel refus des salariés, étant relevé qu'ils n'ont, de plus, pas été destinataires d'une proposition écrite et précise telle que prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail.
13. Les arrêts en concluent que l'association n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.
14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif économique du licenciement ressortissait à la cessation définitive de l'activité de l'association et qu'il n'était pas prétendu qu'elle appartenait à un groupe, ce dont se déduisait l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils rejettent les demandes de M. [R], Mmes [Z] et [T], en requalification de leur contrat de travail intermittent en contrat à durée indéterminée, les arrêts rendus le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Nous profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant la notion de temps « d’habillage et de déshabillage ».
Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Le temps d'habillage et de déshabillage en 2024 Fiche pratique
Quelle est la définition des temps d’habillage et de déshabillage ? À quel moment ces temps donnent lieu à contrepartie ?
La définition
La définition est donnée par l’article L 3121-3, modifié par la loi travail comme suit :
- Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail ;
- Et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ;
- Fait l'objet de contreparties, accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
Article L3121-3
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
Négociation collective
Dans le cadre du champ de la négociation collective, l’article L 3121-7 (auparavant consacré au régime d’astreinte) confirme qu’une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit:
- Soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage ;
- Soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif.
Article L3121-7
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif.(…)
Dispositions supplétives
Dans le cadre du champ des « Dispositions supplétives », l’article L 3121-8 confirme qu’à défaut d’accords prévus aux articles L 3121-6 et L 3121-7, le contrat de travail peut :
- Soit accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3 ;
- Soit assimiler ces temps à du temps de travail effectif.
Article L3121-8
Modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 4
A défaut d'accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 :
1° Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ;
2° Le contrat de travail prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif ;
3° Les contreparties prévues au second alinéa de l'article L. 3121-7 sont déterminées par l'employeur après consultation du comité social et économique.