Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 3 mars 2002 en qualité de notaire assistant.
Par lettre du 27 janvier 2014, elle a été licenciée pour faute grave.
Contestant son licenciement, la salariée saisit la juridiction prud'homale.
La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 8 novembre 2018, donne raison à la salariée, estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant à cette occasion les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Dans l’affaire présente, la Cour de cassation considère que le licenciement pour faute grave est fondé, au motif :
- Qu’il était constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée, en plus du non-respect des règles applicables à l'acte authentique qualifié de fautif, des griefs correspondant à des manquements professionnels relevant d'une insuffisance professionnelle, ;
- Ce dont il résultait que la cour d’appel devait rechercher présentement s'ils ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En outre, dans l’affaire présente, la Cour de cassation considère que :
- L'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement ;
- Peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'il procèdent de faits distincts.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
5. L'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'il procèdent de faits distincts.
6. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses indemnités à ce titre, l'arrêt, après avoir considéré comme prescrit le grief tiré du non-respect des règles applicables à l'acte authentique, retient que les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement tirés du non-respect des règles internes de l'étude et d'erreurs et omissions dans la gestion des dossiers doivent être écartés comme relevant de l'insuffisance professionnelle, en l'absence d'allégation d'une abstention volontaire de la salariée à respecter ces règles professionnelles ou d'une mauvaise volonté délibérée de s'y conformer.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée, en plus du non-respect des règles applicables à l'acte authentique qualifié de fautif, des griefs correspondant à des manquements professionnels relevant d'une insuffisance professionnelle, ce dont il résultait qu'elle devait rechercher s'ils ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente est pour nous l’occasion de rappeler quelques principes importants concernant la lettre de licenciement.
Les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Quelles sont les procédures en cas de licenciement pour motif personnel en 2024 ? Fiche pratique
De nombreuses procédures et obligations encadrent le licenciement d’un salarié pour motif personnel, la présente fiche pratique vous en donne les détails, selon les dispositions en vigueur sur l’année 2023.
La notification du licenciement.
Notification par lettre recommandée selon le Code du travail
- L’employeur doit respecter le délai de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien au licenciement auquel le salarié a été convoqué ;
Article L1232-6
Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11
Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement.
Date de l’entretien | Les 2 jours ouvrables | Date d’expédition lettre de licenciement |
Lundi | Mardi +Mercredi | Jeudi |
Mardi | Mercredi+ Jeudi | Vendredi |
Mercredi | Jeudi+ Vendredi | Samedi |
Jeudi | Vendredi+ Samedi+ dimanche | Lundi |
Vendredi | Samedi+ dimanche+ lundi | Mardi |
Samedi | Dimanche+ lundi+ Mardi | mercredi |
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
- C’est la date d’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception qui marque la rupture du contrat de travail.
- C’est à cette date que l’employeur doit évaluer :
- Si le salarié peut prétendre au versement d’une indemnité de licenciement compte tenu de son ancienneté. C’est donc à cette date que l’on évaluera s’il justifie d’une ancienneté minimum de 1 an (quand bien même il aurait une ancienneté de 1 an et plus au terme de la période de préavis) ;
- Si le salarié peut prétendre à un préavis et quelle en est sa durée.
La cour de cassation dans son arrêt du 26 septembre 2006 confirme ces dispositions.
Délai en cas de report
Le délai « d’un mois » en cas de licenciement disciplinaire et d’entretien préalable reporté :
- Report à la demande du salarié : lorsque l'entretien a été reporté à la demande du salarié (et avec l'accord bien sûr de l'employeur), c'est la date du second entretien qui sert de point de départ pour le calcul du délai d'un mois.
Cour de cassation du 16/03/2004, pourvoi n° 01-43111 (demande expresse du salarié)
Cour de cassation du 7/06/2006, pourvoi n°04-43819 (impossibilité de se présenter en raison d’un arrêt maladie)
- Report à la demande de l’employeur : en cas de report de la seule initiative de l’employeur, le point de départ du délai de notification reste celui qui est calculé selon la date de l’entretien initialement prévue.
Arrêt Cour de cassation du 23/01/2013, pourvoi n°11-22724 (absence du salarié lors du 1er entretien)
Arrêt Cour de cassation du 20/05/2014, pourvoi n°12-28046 (le salarié ne retire pas sa lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable)