Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée depuis le 1er août 1986 en qualité d'employée de pharmacie.
Elle est déclarée inapte à son emploi par le médecin du travail, le 3 juillet 2012, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 12 septembre 2013.
Après avoir vainement saisi la formation de référé, le 1er mars 2016, la salariée a engagé une action au fond, le 3 novembre 2017, devant la même juridiction prud'homale, en paiement des salaires d'août 2012 à septembre 2013, d'un solde de l'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts.
La cour d'appel de Fort de France, par arrêt du 16 septembre 2022, déboute la salariée de sa demande, estimant prescrite l’action de la salariée.
Mécontente de cette décision, la salariée décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Fort de France, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée
La Cour de cassation apporte les précisions suivantes lors de sa décision :
- Le délai de prescription de l'action en paiement des salaires dont le versement doit être repris par l'employeur à partir de l'expiration du délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude;
- Court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances de salaire dues jusqu'à la rupture du contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-4, L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail :
4. Selon le premier de ces textes, l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.
5. Aux termes du troisième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
6. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
7. Pour déclarer prescrite l'action de la salariée, l'arrêt énonce que le droit de la salariée au paiement des salaires d'août 2012 à septembre 2013 découle des dispositions de l'article L. 1226-4 ou L. 1226-11 du code du travail. Il relève qu'à l'issue du délai d'un mois suivant la décision d'inaptitude, M. [Y], qui n'avait pas licencié la salariée, devait lui verser son salaire et que le délai de prescription applicable à la demande en paiement des salaires est celui de l'article L. 3245-1 du code du travail, soit trois ans. Il retient que le point de départ de la prescription est donc le 3 août 2012 et que la salariée devait agir avant le 3 août 2015, alors qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 1er mars 2016.
8. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription de l'action en paiement des salaires dont le versement doit être repris par l'employeur à partir de l'expiration du délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude, dans les conditions fixées à l'article L. 1226-4, court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances de salaire dues jusqu'à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente aborde le délai de prescription, en cas de licenciement notamment.
Voici un extrait d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Les délais de prescription en cas de licenciement en 2024 Fiche pratique
En matière de délais de prescription, de nombreuses modifications sont intervenues ces dernières années : loi de sécurisation de l’emploi de 2013, ordonnances Macron de septembre 2017 et loi de mars 2018.
Paiement des salaires
Thèmes | Contenus |
Durée | 3 ans |
Références | LOI no 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JO du 16 juin 2013 |
Début du délai de prescription | La prescription de 3 ans démarre à compter du jour : Où celui qui exerce une action en justice a connu les faits lui permettant d’exercer ; Ou bien le jour où celui qui exerce une action en justice aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir en justice. |
Sommes concernées | La demande peut porter sur : Les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ; Ou bien, en cas de rupture du contrat, sur les sommes dues au titre des 3 dernières années précédant la rupture dudit contrat de travail. Ce délai de 3 ans est notamment applicable (outre les salaires proprement dits) à certaines indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail comme : ICCP ou indemnité compensatrice de préavis ; Indemnité versée au titre de la clause de non-concurrence ; Indemnité de départ volontaire à la retraite ayant le caractère de complément de salaire (Arrêt Cour de cassation du 30/01/2008, pourvoi n° 06-17531). |
Références légales | Article L3245-1 Modifié par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 21 L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. |
Thèmes | Contenus |
Application du délai de prescription | Ce délai de 3 ans s’applique aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi. L’application du nouveau délai a pour effet de limiter la durée totale de la prescription afin qu’elle ne puisse excéder la durée prévue par les dispositions antérieures à la loi de sécurisation de l’emploi (prescription quinquennale à l’époque). Ce délai de prescription était de 5 ans, du 19 juin 2008 au 16 juin 2013, en conséquence l’exemple concret suivant peut être envisagé : 1. Il s’est déjà écoulé 3 ans lors de la promulgation de la loi ; 2. Le salarié ne dispose alors que d’un délai de 2 ans (et non de 3 ans) pour agir. |
Frais professionnels | La prescription prévue pour les salaires, s’applique de façon identique à l’action en remboursement de frais professionnels. Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 12 juillet 2006 N° de pourvoi: 04-48687 Publié au bulletin |
Délai de prescription salaires et date habituelle paiement | Le délai de prescription des salaires court : A compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. |
Délai de prescription salaires : exemple concret | Soit une entreprise dont la date de paiement des salaires est fixée au 25 du mois ; Un salarié engage une action en justice le 20 novembre 2018 ; Ce salarié a la possibilité de « remonter » 3 ans en arrière, soit jusqu’au 20 novembre 2015 ; A ce titre, il est en droit de réclamer les salaires de novembre 2015, ces derniers ayant été exigibles le 25 novembre 2015. |
Délai de prescription indemnité congés payés | Le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris. |