Licenciement pour inaptitude professionnelle et motifs qui s’opposent au reclassement

Jurisprudence
Paie Licenciement

En cas de licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement, la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de notifier par écrit au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement ne peut rendre le licenciement nul.

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Contexte de l'affaire

Nota :

La présente affaire a été abordée au travers d’une jurisprudence commentée intitulée « Quand s’appliquent les règles protectrices aux victimes d’accident du travail ? » 

Un salarié est engagé le 5 septembre 2002 en qualité de chauffeur poids lourd.

Victime d'un accident de travail le 18 avril 2012, il est déclaré inapte lors de la visite de reprise le 30 mars 2015, et licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 5 mai 2015.

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale estimant que son licenciement devait être prononcé en raison d’une inaptitude professionnelle.

En outre, le salarié considère que son licenciement doit être frappé de nullité, du fait de la méconnaissance de notifier par écrit au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement. 

La cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 24 novembre 2021, donne raison au salarié, condamne l’employeur au paiement d'une certaine somme pour défaut de notification au salarié des motifs s'opposant au reclassement, considérant le licenciement nul. 

L’employeur conteste cet arrêt et décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, et renvoie les parties devant la cour d'appel de Nîmes.

Elle indique à cette occasion: 

En cas de licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement :

  • La méconnaissance par l'employeur de l'obligation de notifier par écrit au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement;
  • N’expose pas celui-ci aux sanctions prévues par l'article L. 1226-15 du code du travail (NDLR : licenciement nul) mais le rend redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi.

Extrait de l’arrêt :



Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-10, L. 1226-12 et L. 1226-15 du code du travail, le premier et le troisième dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second dans sa version antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 :

15. Il résulte de ces textes que la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de notifier par écrit au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement n'expose pas celui-ci aux sanctions prévues par l'article L. 1226-15 du code du travail mais le rend redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi.

16. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme pour défaut de notification au salarié des motifs s'opposant au reclassement, l'arrêt retient, après avoir rappelé les termes de l'article L. 1226-15 du code du travail, que le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire et fixe les dommages-intérêts dus au salarié à ce montant.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Coopérative agricole Celia à payer à M. [N] la somme de 402,20 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice et 24 134,16 euros à titre d'indemnité pour absence d'indication des motifs de l'impossibilité de reclassement et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-10905

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions essentielles concernant le reclassement en cas d’inaptitude du salarié.

Ces informations sont à retrouver au sein d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique : 

Obligation de reclassement

Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :

  • Article L 1226-2-1 ;
  • Article L 1226-12 ;
  • Article L 1226-20 

Article L1226-2-1

Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

Article L1226-12

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Article L1226-20

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.

Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.

Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.

La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.

Sont ainsi confirmés les points suivants :

  • L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
  • Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).

Dispense obligation de reclassement

La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.

Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :

  • Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 

Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :

  • En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
  • Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.