Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'aide-soignant, affecté en dernier lieu, au sein de l'établissement de la Caisse régionale des mines.
Suivant avis du 27 juin 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste et précisé ses capacités restantes.
Affecté à compter de septembre 2017 en qualité d'assistant administratif, le salarié a été placé en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail le 29 septembre 2017.
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 16 janvier 2018, le salarié a bénéficié d'une visite de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail a délivré une attestation de suivi.
Le 29 mars 2018, le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il décide de saisir la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir que son licenciement soit considéré dénué de cause réelle et sérieuse.
La cour d'appel de Douai, par arrêt du 27 mai 2022, donne raison au salarié estimant présentement son licenciement sans cause réelle et sérieuse, retenant pour cela que :
- Le licenciement a été prononcé sur la base d'un avis d'inaptitude à d'autres fonctions que celles effectivement occupées par le salarié.
L’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Douai, renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Amiens
En préambule, la Cour de cassation rappelle que :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail :
- Si en cours de contrat, les parties peuvent convenir, à l'occasion d'un changement de fonction du salarié, d'une période probatoire;
- La rupture de celle-ci a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures.
Dans l’affaire présente, la cour d’appel avait pris sa décision « sans rechercher, comme il lui était demandé, si le reclassement du salarié sur le poste d'assistant administratif était assorti d'une période probatoire, rompue avant son expiration, de sorte qu'il avait été replacé dans ses fonctions antérieures auxquelles il avait été déclaré inapte »
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail :
8. Il résulte de ce texte que si, en cours de contrat, les parties peuvent convenir, à l'occasion d'un changement de fonction du salarié, d'une période probatoire, la rupture de celle-ci a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures.
9. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le licenciement a été prononcé sur la base d'un avis d'inaptitude à d'autres fonctions que celles effectivement occupées par le salarié.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le reclassement du salarié sur le poste d'assistant administratif était assorti d'une période probatoire, rompue avant son expiration, de sorte qu'il avait été replacé dans ses fonctions antérieures auxquelles il avait été déclaré inapte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt rendu le 27 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente aborde la période probatoire, voici un extrait de notre fiche pratique à ce sujet et plus généralement sur la période d’essai :
Lire aussi : La période d'essai des contrats CDI en 2024 Fiche pratique
Conclure une période d’essai, la renouveler ou la rompre : tels sont des situations que rencontrent fréquemment les entreprises et pour lesquelles des explications et précisions vous sont apportées.
Période d’essai ≠ période probatoire
Il est important de bien différencier la période d’essai de la période probatoire.
La période d’essai concerne le salarié lors de son arrivée dans l’entreprise à la différence de la période probatoire qui peut intervenir dans le cas d’un changement de fonctions du salarié concerné.
Période probatoire : pour quelle raison ?
L’intérêt peut être partagé.
Pour l’employeur, cette période permettra d’évaluer les compétences du salarié dans ses nouvelles fonctions ;
Pour le salarié, d’apprécier si le nouveau poste qui lui est confié lui convient.
En aucun cas, l’employeur ne pourra soumettre le salarié à une nouvelle période d’essai
- Arrêts de la Cour de cassation du 30/03/2005, arrêts 02-46103, 02-46338 et 03-41797
Bien vérifier la convention collective
Certaines conventions collectives ne permettent pas la mise en place d’une période probatoire, notamment, en cas de promotion
- Cour de cassation du 05/12/2007 arrêt 06-43988 FD
Certaines conventions collectives peuvent aussi prévoir pour cette période probatoire une durée maximale à respecter, ainsi que les conditions de rémunération éventuelles.
Sur le contrat de travail ?
Il est souhaitable d’insérer une clause correspondant dans le contrat de travail du salarié.
Il est possible aussi d’ajouter un avenant au contrat de travail si rien n’a été prévu à l’arrivée du salarié dans la société.
Rupture de la période probatoire
La rupture de la période probatoire ne doit en aucun cas s’analyser en :
- Une rupture du contrat de travail comme le ferait une rupture de période d’essai ;
- Un motif pouvant permettre un licenciement ou une sanction disciplinaire.
L’employeur qui met un terme à une période probatoire doit replacer obligatoirement le salarié dans ses fonctions antérieures.
Cour de cassation 30/03/2005 arrêt 02-46103, 02-46338 et 03-41797
En revanche, le salarié qui refuserait de reprendre ses fonctions précédentes est en faute et peut être licencié pour ce motif
Cour d’appel du 26/03/2003 arrêt 00/00661