Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de responsable export Maghreb et Moyen-Orient le 17 septembre 1992.
Suivant avenant du 21 février 1997, le salarié a été détaché à compter du 1er avril suivant en tant qu'expatrié pour exercer les fonctions de directeur, chargé du développement commercial et industriel de la société.
Par lettre du 18 mai 2017, la société a licencié le salarié pour faute grave.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi, le 21 septembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes au titre notamment de la rupture, de l'intéressement et de la participation et tendant à la remise de bulletins de paie relatifs à sa rémunération au sein de la société.
La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 7 juillet 2022, déboute le salarié de sa demande.
Elle retient pour cela, le fait que :
- Le salarié a relevé, dès le début de son détachement, du statut d'expatrié, de telle sorte qu'il n'a plus relevé de la sécurité sociale française à compter de cette date comme le prévoit l'avenant à son contrat de travail du 21 février 1997 ;
- Que le salarié étant exclu du champ d'application du régime général de la sécurité sociale française ;
- Les sommes qui lui étaient versées par la société française n'étaient pas soumises aux cotisations de sécurité sociale française et que la société (…) international n'était donc pas tenue d'établir un bulletin de paie.
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt.
Elle argument pour cela de la manière suivante :
Ayant été relevé que :
- La société avait versé au salarié une partie de sa rémunération durant sa période d'expatriation;
- Ce dont il résultait qu'elle était tenue de lui remettre des bulletins de paie à ce titre, peu important que le salarié ne soit pas affilié au régime général de la sécurité sociale française.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3243-1 et L. 3243-2, alinéa 1er, du code du travail :
12. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions du présent chapitre s'appliquent à toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leurs rémunérations, la forme, ou la validité de leur contrat.
13. Selon le second de ces textes, lors du paiement du salaire, l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L. 3243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie.
14. Pour débouter le salarié de sa demande de remise de bulletins de paie relatifs à sa rémunération au sein de la société …) l'arrêt retient que le salarié a relevé, dès le début de son détachement, du statut d'expatrié, de telle sorte qu'il n'a plus relevé de la sécurité sociale française à compter de cette date comme le prévoit l'avenant à son contrat de travail du 21 février 1997, que le salarié étant exclu du champ d'application du régime général de la sécurité sociale française, les sommes qui lui étaient versées par la société française n'étaient pas soumises aux cotisations de sécurité sociale française et que la société …) n'était donc pas tenue d'établir un bulletin de paie.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que conformément à l'avenant du 21 février 1997 la société Railway international avait versé au salarié une partie de sa rémunération durant sa période d'expatriation, ce dont il résultait qu'elle était tenue de lui remettre des bulletins de paie à ce titre, peu important que le salarié ne soit pas affilié au régime général de la sécurité sociale française, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [V] de ses demandes au titre de l'intéressement et de la participation et de sa demande de remise de bulletins de paie relatifs à sa rémunération au sein de la société (…) aux droits de laquelle se trouve la société …), et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente aborde l’obligation de remettre un bulletin de paie.
Nous en profitons pour « rebondir » et rappeler les précisions récentes du BOSS concernant le contenu du bulletin de paie.
Mentions obligatoires et interdites sur le bulletin de paie : les mises à jour du BOSS
En dehors des mentions indiquées dans le modèle du bulletin de paie, quelles mentions sont obligatoires ?
- Les mentions obligatoires sont définies à l’article R. 3243-1 du code du travail :
- Le nom, l’adresse de l’employeur et éventuellement la désignation de l’établissement dont dépend le salarié ;
- Le numéro de la nomenclature d'activité française (NAF ou APE) et le numéro du système d'identification du répertoire des établissements (SIRET) d’emploi du salarié ;
- S'il y a lieu, la convention collective de branche applicable au salarié ou la référence au code du travail concernant la durée des congés payés et des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail ;
- Le nom, l’emploi du salarié et sa position dans la classification conventionnelle. Ces trois mentions sont facultatives pour les salariés à domicile et assistants maternels lorsqu’ils sont employés directement par un particulier (article R. 3243-6 du code du travail, article D. 423-15 code de l'action sociale et des familles) ;
- La période et le nombre d’heures de travail, en distinguant les heures au taux normal, les heures supplémentaires (avec la mention des taux appliqués aux heures correspondantes) et, en cas d'activité partielle, le nombre d'heures indemnisées ainsi que le taux appliqué pour le calcul de l'indemnité ;
- La nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés au forfait (forfait hebdomadaire ou mensuel en heures, ou forfait annuel en heures ou en jours) ;
- La nature de la base de calcul du salaire lorsque, par exception, cette base de calcul n’est pas la durée du travail ;
- La nature et le montant des accessoires de salaire soumis aux cotisations salariales et patronales ;
- La rémunération brute, correspondant à la somme à partir de laquelle est calculé le montant net à payer par l’employeur au salarié, après déduction des prélèvements sociaux et fiscaux obligatoires auxquels sont appliqués les éventuelles exonérations et exemptions. Cette mention est facultative pour les salariés à domicile et assistants maternels lorsqu’ils sont employés directement par un particulier (article R. 3243-6 du code du travail, article D. 423-15 code de l'action sociale et des familles) ;
- Les montants et assiettes des cotisations et contributions d'origine légale et conventionnelle à la charge de l'employeur et du salarié avant déduction des exonérations et exemptions. La mention de la nature et du montant des cotisations à la charge de l'employeur est facultative pour les salariés à domicile et assistants maternels lorsqu’ils sont employés directement par un particulier (article R. 3243-6 du code du travail, article D. 423-15 code de l'action sociale et des familles) ;
- Les taux des cotisations et contributions sociales à la charge du salarié avant déduction des exonérations et exemptions ;
- La nature et le montant des autres versements et retenues (notamment prise en charge des frais de transport domicile-travail) ;
- L'assiette, le taux et le montant de la retenue à la source prévue au 1° du 2 de l'article 204 A du code général des impôts ainsi que la somme qui aurait été versée au salarié en l'absence de retenue à la source ;
- Le montant net social ;
- Le montant effectivement payé au salarié ;
- La date de paiement du salaire ;
- Les dates de congés et le montant de l’indemnité de congés payés correspondant lorsqu'une période de congé annuel est comprise dans la période de paie considérée ;
- Le montant total des exonérations et exemptions de cotisations et contributions sociales applicables ;
- Le montant total versé par l'employeur comprenant la rémunération brute versée au salarié, les cotisations et contributions à la charge de l'employeur, déduction faite des exonérations et allégements de charges sociales ;
- La mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le portail www.service-public.fr ;
- En cas d’activité partielle : le nombre d’heures indemnisées, le taux appliqué et les sommes versées au salarié au titre de la période considérée ;
- La mention incitant le salarié à conserver le bulletin de paie sans limitation de durée.
Le modèle provisoire de bulletin de paie applicable du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2025 doit-il être strictement appliqué ?
- Le modèle provisoire de bulletin de paie, applicable jusqu’à la fin de l’année 2025, ajoute une ligne relative au montant net social afin d’en faciliter la mise en œuvre. Seul l’ajout de cette ligne est attendu en juillet 2023.
- Les anciennes modalités d’affichage, y compris les éventuelles adaptations déjà mises en œuvre, peuvent être maintenues durant cette période.
Le modèle provisoire de juillet 2023 au 31 décembre 2025 conserve les lignes « dont évolution de la rémunération liée à la suppression des cotisations chômage et maladie » et « allègement de cotisations employeur » : est-il possible de supprimer ces lignes ?
- Oui, les modalités de calcul de ces lignes ont été supprimées par l’arrêté du 31 janvier 2023. Leur mention n’est donc plus obligatoire.
Quel modèle appliquer pour des bulletins de paie portant sur des périodes antérieures à juillet 2023 ?
- Le nouveau modèle est applicable à tous les bulletins de paie édités à compter du 1er juillet 2023.
Quel modèle de bulletin de paie appliquer ?
- Le modèle de bulletin de paie applicable est celui prévu à l’article 1er de l’arrêté du 25 février 2016 modifié fixant les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l’article R. 3143-2 du code du travail.
- Toutefois, l’utilisation du modèle provisoire du bulletin de paie prévu à l’article 2 de l’arrêté du 31 janvier 2023 modifiant l’arrêté du 25 février 2016 précité, applicable initialement du 1er juillet au 31 décembre 2024 est prolongé jusqu’au 1er janvier 2026, conformément à l’arrêté du 25 juin 2024 modifiant l'arrêté du 31 janvier 2023 fixant les libellés, l'ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l'article R. 3243-2 du code du travail.