La mise à pied disciplinaire est-elle obligatoire avant un licenciement pour faute grave ?

Jurisprudence
Paie Licenciement

Un employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire, avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est admis en stage statutaire dans l'emploi de technicien exploitation réseaux, le 2 février 2015, puis titularisé le 1er  novembre 2015.

En dernier lieu, il occupe un poste administratif.

Le 8 octobre 2018, il est convoqué à un entretien préalable, à l'issue duquel l'employeur a saisi la commission secondaire du personnel, laquelle siégeant en conseil de discipline, s'est prononcée le 15 janvier 2019 en faveur de la mise à la retraite d'office du salarié.

Le 6 février 2019, il est convoqué à un nouvel entretien préalable après lequel, par lettre du 11 mars 2019, la société lui a notifié sa mise à la retraite d'office pour faute grave.

Il saisit la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail, estimant dans l’affaire présente que la rupture du contrat de travail pour faute grave impliquait que l’employeur ait procédé au préalable à une mise à pied disciplinaire.

La cour d'appel de Limoges, par arrêt du 23 février 2022, donne raison au salarié. 

Elle écarte la faute grave, ne retenant que la cause réelle et sérieuse :

  • Après avoir constaté la matérialité des faits reprochés au salarié ;
  • Retenant que ces fautes rendaient impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis dès lors que l'employeur ne l'avait pas mis à pied à titre conservatoire pendant la durée de la procédure de licenciement et l'avait affecté à un autre poste.

La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt. 

Dans un premier temps, elle indique que :

  • Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail, 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières et 145 de la circulaire PERS 846 ;
  • Il résulte des deux derniers de ces textes que la mise à la retraite d'office entraîne, à l'initiative de l'employeur, la rupture des relations contractuelles et doit, en conséquence, s'analyser en un licenciement.

Elle indique ensuite que :

  • Un employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire ;
  • Avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave.

Extrait de l’arrêt :



Réponse de la Cour


Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail, 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières et 145 de la circulaire PERS 846 :

6. Il résulte des deux derniers de ces textes que la mise à la retraite d'office entraîne, à l'initiative de l'employeur, la rupture des relations contractuelles et doit, en conséquence, s'analyser en un licenciement.

7. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

8. Pour écarter la faute grave et dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté la matérialité des faits reprochés au salarié, retient qu'il n'est pas démontré que ces fautes rendaient impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis dès lors que l'employeur ne l'avait pas mis à pied à titre conservatoire pendant la durée de la procédure de licenciement et l'avait affecté à un autre poste.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à retirer à la faute son caractère de gravité, alors que l'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-17216

Commentaire de LégiSocial

L’affaire présente aborde la mise à pied d’un salarié, nous en profitons pour en rappeler quelques principes généraux.

Les informations ci-après proposées sont extraites de notre fiche pratique consacrée à cette thématique : 

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2 catégories et une même conséquence

Un salarié peut se voir prononcer 2 sortes de mise à pied.

  1. La mise à pied conservatoire ;
  2. La mise à pied disciplinaire. 

Quelle soit la catégorie, les conséquences sont légalement identiques à savoir :

  1. Absence de rémunération ;
  2. Non-prise en compte de cette période pour l’acquisition de congés payés.

La mise à pied conservatoire

Elle est prononcée dans l’attente d’une sanction (fréquemment un licenciement pour faute grave ou lourde).

Cette période de suspension du contrat de travail n’est pas rémunérée, sauf bien entendu si aucune sanction n’est prononcée au terme de la mise à pied.

Il est important d’avoir à l’esprit que la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction disciplinaire. 

Article L1332-3

Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé

La mise à pied disciplinaire

Il s’agit d’une sanction, ce qui sous-entend que l’employeur ne pourra alors prononcer aucune sanction supplémentaire pour le même fait.

En effet, il est de jurisprudence constante de considérer qu’un même fait ne peut être sanctionné 2 fois.

Non bis in idem 

Non bis in idem qui est une locution latine qui signifie « pas deux fois pour la même chose », signifiant en l’espèce qu’une mise à pied disciplinaire ne peut être suivie, pour le même fait, d’une nouvelle sanction comme un licenciement.