Contexte de l'affaire
Un salarié, titulaire d'un titre de séjour d'une durée supérieure à trois mois portant la mention étudiant, a été engagé en qualité de vendeur, en raison d'un accroissement temporaire d'activité, par contrat à durée déterminée du 8 octobre 2016 au 8 février 2017 pour une durée de travail de six heures par semaine.
Le contrat a été renouvelé le 9 février 2017 jusqu'au 4 juin 2017. Plusieurs avenants ont été conclus pour modifier la durée hebdomadaire du travail.
La relation de travail s'est poursuivie après le 5 juin 2017 sans que ne soit signé de contrat.
Le 27 juin 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu'au 9 juillet. A son retour, la fermeture des locaux ne lui a pas permis de reprendre son travail.
Le 7 juillet 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification des contrats à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet, en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
La cour d'appel de Besançon, par arrêt du 26 janvier 2021, déboute le salarié de sa demande.
Elle indique pour cela que :
- Il était constaté que le 5 juin 2017 l'employeur a proposé au salarié un renouvellement de son contrat à durée déterminée jusqu'au 7 juillet 2017 ;
- Qu’il est avéré que le salarié a continué de travailler jusqu'au terme du contrat tout en refusant de le signer au motif qu'il n'était pas d'accord avec son contenu.
La cour d’appel ajoute :
- Que si la poursuite du travail au-delà du terme ne vaut pas accord du salarié au renouvellement de son contrat et entraîne la requalification en contrat à durée indéterminée ;
- Le refus du salarié de signer peut être pris en compte dès lors qu'il présente un caractère abusif, que si le salarié peut légitimement refuser de signer un contrat, il ne peut utiliser le refus de signature pour opposer à l'employeur une action en requalification fondée sur l'absence d'écrit.
Il constate qu'il n'est pas contesté que le salarié a continué de travailler au-delà du 4 juin 2017, et ce, jusqu'au 7 juillet 2017, dans les conditions fixées dans la proposition de renouvellement du contrat qui lui avait été soumise par son employeur, qu'il reconnaît dans ses écritures avoir refusé de signer l'avenant de renouvellement.
De sorte que :
- La cour d'appel en a déduit que le salarié ne pouvait se prévaloir de ce refus, qui caractérisait sa mauvaise foi, pour réclamer la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, considérant qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi, la cour d'appel a violé l’article L 1242-12 du code du travail.
Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Dijon.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1242-12 du code du travail :
21. Selon ce texte, le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
22. Il résulte de ce texte que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée, qu'il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.
23. Pour rejeter la demande du salarié en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'arrêt constate que le 5 juin 2017 l'employeur a proposé au salarié un renouvellement de son contrat à durée déterminée jusqu'au 7 juillet 2017, qu'il est avéré que le salarié a continué de travailler jusqu'au terme du contrat tout en refusant de le signer au motif qu'il n'était pas d'accord avec son contenu.
24. L'arrêt ajoute que si la poursuite du travail au-delà du terme ne vaut pas accord du salarié au renouvellement de son contrat et entraîne la requalification en contrat à durée indéterminée, le refus du salarié de signer peut être pris en compte dès lors qu'il présente un caractère abusif, que si le salarié peut légitimement refuser de signer un contrat, il ne peut utiliser le refus de signature pour opposer à l'employeur une action en requalification fondée sur l'absence d'écrit. Il constate qu'il n'est pas contesté que le salarié a continué de travailler au delà du 4 juin 2017, et ce, jusqu'au 7 juillet 2017, dans les conditions fixées dans la proposition de renouvellement du contrat qui lui avait été soumise par son employeur, qu'il reconnaît dans ses écritures avoir refusé de signer l'avenant de renouvellement.
25. La cour d'appel en a déduit que le salarié ne pouvait se prévaloir de ce refus, qui caractérisait sa mauvaise foi, pour réclamer la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
26. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [G] de sa demande en requalification de contrat à temps partiel en contrat à temps complet, de sa demande de condamnation de la société (..) à lui verser la prime de précarité, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Commentaire de LégiSocial
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation est confrontée à cette situation, à savoir :
- Une demande de requalification d’un CDD en CDI ;
- Alors que par ailleurs le salarié a refusé de signer le contrat.
Voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site :
Thématiques | Références |
L’absence de signature sur un contrat de travail CDD vaut CDI, sauf si c’est le salarié qui refuse de signer | Cour de cassation du 9 novembre 2016, pourvoi n°15-23905 Lire aussi : L'absence de signature sur un contrat de travail CDD vaut CDI, sauf si c'est le salarié qui refuse de signer JurisprudenceLa présente affaire concerne 5 salariés, engagés en qualité de dockers occasionnels par plusieurs contrats CDD. Ils saisissent la juridiction prud'homale pour demander la requalification de la relation de travail ... |
Un CDD sans signature est requalifié en CDI, sauf si le salarié refuse délibérément de signer ! | Cour de cassation du 20 septembre 2017, pourvoi n°16-14543 Lire aussi : Un CDD sans signature est requalifié en CDI, sauf si le salarié refuse délibérément de signer ! JurisprudenceUne salariée est engagée le 26 avril 2011 en qualité d'agent de service. Ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 2 février 2012 (NDLR : même ... |
Un contrat CDD non signé devient CDI, sauf quand le salarié refuse de le signer délibérément | Cour de cassation du 20 mars 2021, pourvoi n°20-13265 Lire aussi : Un contrat CDD non signé devient CDI, sauf quand le salarié refuse de le signer délibérément JurisprudenceL’absence de signature d’un contrat CDD entraîne, à la demande du salarié, la requalification en CDI, sauf lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse. |