Egalité salariale : l’ancienneté peut-elle justifier une différence de rémunération ?

Jurisprudence
Paie Rémunération

L’égalité de rémunération entre salariés est un principe fondamental. Mais qu’en est-il lorsqu’une prime d’ancienneté crée une différence de salaire ?Cette jurisprudence éclaire la frontière entre justification objective et discrimination salariale.

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Contexte de l'affaire

Extrait

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

5. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.

6. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire en application du principe d'égalité de traitement, l'arrêt retient que la circonstance que la salariée de référence disposait d'une expérience plus conséquente, puisqu'elle bénéficiait au moment de la notification du licenciement de l'intéressée d'une ancienneté de près de sept ans, justifierait tout au plus l'octroi d'une prime d'ancienneté mais pas une différence de salaire mensuel de base.

7. En se déterminant ainsi, alors que l'ancienneté, à condition qu'elle ne soit pas déjà prise en compte dans une prime spéciale, peut justifier une différence de rémunération, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la différence d'ancienneté entre les deux salariées constituait un élément objectif et pertinent justifiant la différence de rémunération, a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Green Produce à payer à Mme [U] la somme de 14 400 euros au titre du principe à travail égal salaire égal, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Cour de cassation du , pourvoi n°23-16.226

Commentaire de LégiSocial

L'Affaire en bref

Madame [U], assistante commerciale employée en CDI depuis 2014 a été licenciée par la société Green Produce le 18 septembre 2018. Elle a saisi la juridiction prud’homale pour revendiquer notamment une inégalité salariale par rapport à une collègue occupant un poste similaire. La cour d’appel de Nîmes avait condamné l’employeur à lui verser 14 400 € au titre du principe "à travail égal, salaire égal", estimant que la différence d’ancienneté ne pouvait justifier une différence de rémunération de base.

 Décision de la Cour

La Cour de cassation casse cette décision partiellement. Elle rappelle que l’ancienneté et l’expérience peuvent justifier une différence de rémunération à condition qu'elles ne soient pas déjà compensées par une prime spécifique (comme une prime d’ancienneté). La cour d’appel aurait dû vérifier si la différence d’ancienneté entre Mme [U] et sa collègue était un élément objectif et pertinent justifiant l’écart salarial. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Montpellier pour un nouvel examen.

 Impact en paie

Cette décision rappelle aux employeurs que la différence de rémunération entre salariés occupant des postes similaires doit être justifiée par des critères objectifs et vérifiables. L’ancienneté peut être un facteur différenciant, mais elle doit être clairement intégrée dans la structure de rémunération. Charge aux entreprises de s’assurer que les écarts salariaux ne sont pas discriminatoires et reposent bien sur des éléments mesurables, sous peine de contentieux.