Discrimination salariale : Le lien familial avec l’employeur ne peut justifier une inégalité de traitement

Jurisprudence
Paie Rémunération

Dans une décision du 9 avril 2025, la Cour de cassation rappelle que le principe de non-discrimination s’applique aussi au lien de parenté avec l’employeur. Découvrez notre décryptage !

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Une collaboratrice parlementaire, licenciée après la fin du mandat de son employeur député, conteste une inégalité de traitement en se comparant à l’épouse de ce dernier, également salariée. À poste équivalent, cette dernière percevait une rémunération supérieure de 1 500 € et diverses primes. La cour d’appel condamne l’employeur à un rappel de salaire de près de 140 000 €.

Extrait de l'arrêt : 

« 1°/ que l'article L. 1132-1 du code du travail, qui énonce qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération en raison de ''sa situation de famille'', vise la seule situation de famille de la salariée qui invoque la discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que l'expression peut se définir par des critères propres à la personne discriminée, mais aussi par comparaison à d'autres situations de famille prises en compte au détriment de la personne discriminée, et a retenu que M. [J] justifie la différence de traitement entre ses deux collaboratrices par le caractère plus politique des fonctions de son épouse, ''nombreuses, variées et sensibles, et exigeant une disponibilité et une confidentialité totales'', pour en déduire qu'il fait reposer la garantie de disponibilité et de confidentialité sur la seule qualité d'épouse de sa seconde collaboratrice, que c'est donc par un critère familial, celui de ne pas appartenir à son cercle familial, qu'il justifie la différence de traitement, pour juger que Mme [F] avait subi une situation de discrimination ; qu'en statuant ainsi, cependant que, comme l'avait retenu à bon droit le conseil de prud'hommes, ''le critère de la situation de famille s'applique à la personne qui se dit victime de discrimination, et non à l'employeur. Une interprétation divergente de cette disposition impliquerait d'en détourner le sens et la lettre'', la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2°/ que le juge ne peut modifier les termes du litige et dénaturer les conclusions des parties ; qu'en ayant énoncé que M. [J] justifie la différence de traitement entre ses deux collaboratrices par le caractère plus politique des fonctions de son épouse, ''nombreuses, variées et sensibles, et exigeant une disponibilité et une confidentialité totales'', fait reposer la garantie de disponibilité et de confidentialité sur la seule qualité d'épouse de sa seconde collaboratrice, et que c'est donc par un critère familial, celui de ne pas appartenir à son cercle familial, qu'il justifie la différence de traitement, cependant que l'employeur justifiait expressément la différence de traitement entre M. [J] et Mme [F] par le fait que M. [J] était disponible et donnait des rendez-vous à la permanence à des horaires décalés (entre midi et 14h ou après 20h), et était joignable y compris le week-end, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. [J] et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Cour de cassation du , pourvoi n°23-14.016

Commentaire de LégiSocial

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur. Elle considère que le fait de ne pas appartenir à la famille de l’employeur constitue bien un motif de discrimination en lien avec la « situation de famille », prohibée par l'article L1132-1 du Code du travail. Elle rappelle que seule une justification objective peut écarter la discrimination, ce qui n’était pas le cas ici.

Impact en paie
Une différence de rémunération fondée sur un lien familial avec l’employeur est illicite. Le gestionnaire de paie doit veiller à l’égalité de traitement entre salariés à fonctions équivalentes, quels que soient leurs liens personnels avec l’employeur. Ce principe prend une dimension particulière dans le contexte de la directive (UE) 2023/970 sur la transparence des rémunérations, qui impose aux employeurs davantage de transparence dans les écarts de salaires entre femmes et hommes et facilitera la comparaison des rémunérations à fonctions comparables.