Contexte de l'affaire
Un conducteur d'engins de travaux publics a été employé par la société Generale Costruzioni Ferroviarie à partir du 1er avril 2014. Le 10 décembre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes, invoquant notamment des heures de nuit non majorées, des dépassements des durées maximales de travail et le non-versement d'une indemnité forfaitaire prévue au contrat.
Extraits
[...] "Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
11. Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
12. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
13. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt relève que s'agissant du fait de s'affranchir du respect des durées maximales de travail hebdomadaires ou journalières, le salarié procède par voie d'affirmation, la démonstration de celle-ci n'étant pas rapportée par la production d'un rapport du « Grand Conseil-Secrétariat Général » du Canton de Vaud et de trois arrêts de la cour d'appel de Dijon rendus dans des procédures distinctes. Il retient que le grief n'est pas fondé.
14. En statuant ainsi, alors que le salarié invoquait un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de durée maximale à la fois journalière et hebdomadaire du temps de travail, sans constater que l'employeur justifiait avoir respecté ces durées maximales prévues par le droit interne, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé."[...] "17. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 5.3 de son contrat de travail, l'arrêt, après avoir constaté que la copie du contrat daté du 1er avril 2014 produite par l'employeur était la seule qui fût signée des deux parties et paraphée par le salarié, que celle produite par le salarié n'était signée et paraphée que de l'employeur et que l'article 5.3 sur lequel reposait la demande du salarié ne figurait pas dans la copie produite par l'employeur, retient l'absence de fondement contractuel à la demande formulée à ce titre dans le contrat de travail signé des deux parties, qu'il déclare seul valable.
18. En se déterminant ainsi, alors qu'elle relevait que l'employeur était par principe à l'origine de l'établissement des contrats de travail datés du même jour et qu'il n'apportait aucune explication quant à l'existence de deux exemplaires différents, de sorte que l'exemplaire détenu par le salarié, dont elle avait constaté qu'il était revêtu de la signature et du paraphe de l'employeur, obligeait celui-ci, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si cet exemplaire comportait, ainsi que le soutenait le salarié, un article 5.3 prévoyant une indemnité forfaitaire en sa faveur, n'a pas donné de base légale à sa décision."[...] "PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [B] de ses demandes en paiement de rappels de salaire au titre du repositionnement, l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;"
Commentaire de LégiSocial
Décision de la Cour
La Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 15 décembre 2022, en retenant que :
- Sur les heures de nuit : L'employeur ne peut se contenter de bulletins de paie mentionnant des majorations pour prouver le paiement effectif des heures de nuit. Il doit fournir des documents comptables attestant du paiement. Cette exigence repose sur l'article 1353 du Code civil, qui impose à celui qui se prétend libéré d'une obligation d'en justifier.
- Sur les durées maximales de travail : La charge de la preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l'employeur. La cour d'appel a inversé cette charge en exigeant du salarié qu'il prouve le non-respect de ces durées.
- Sur l'indemnité forfaitaire : La cour d'appel a écarté l'exemplaire du contrat présenté par le salarié, bien que signé par l'employeur, sans rechercher si cet exemplaire contenait une clause prévoyant l'indemnité.
L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Besançon pour être rejugée.
Impact en paie
Cette décision souligne plusieurs points :
- Preuve du paiement : Les bulletins de paie ne suffisent pas à prouver le paiement des salaires et majorations. Des documents comptables doivent être conservés et présentés en cas de litige. Le salarié ne renonce pas à ses droits en acceptant un bulletin de paie sans protestation, comme le rappelle l'article L. 3243-3 du Code du travail.
- Durées de travail : Les employeurs doivent être en mesure de démontrer le respect des durées maximales de travail, tant journalières qu'hebdomadaires, conformément au droit interne et au droit de l'Union européenne.
- Contrats de travail : Il est essentiel de s'assurer que les exemplaires du contrat de travail détenus par l'employeur et le salarié sont identiques et dûment signés, afin d'éviter des contestations sur les clauses contractuelles.