Contexte de l'affaire
C’est une affaire peu banale et dont le jugement est fort intéressant que nous abordons.
Pour une meilleure compréhension, il convient de rappeler les faits suivants :
- Monsieur et Madame X se marient le 8/11/1971 ;
- Ils partagent une vie commune du 8/04/1971 au 31/12/1981, pendant laquelle ils n’ont pas eu d’enfant ;
- Madame X de nationalité allemande repart dans son pays de naissance le 31/12/1981 après la séparation du couple ;
- Lors de la séparation (qui s’avérera définitive), chacun des époux exerce une profession distincte, Monsieur X en tant que fonctionnaire à la direction départementale de l'agriculture en qualité d'ingénieur agricole et Madame X en tant que pharmacienne ;
- Le 10/04/2001, une première procédure de divorce est initiée par Madame X mais ne peut aboutir en raison de difficultés financières de Monsieur X ;
- Le divorce n’est prononcé que le 26/02/2008 avec transcription le 27/05/2008 ;
- Les ex-époux conviennent de faire remonter les effets du divorce au 1/01/2002.
La Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Franche Comté saisit le tribunal afin d’obtenir le paiement, par Madame X, d’un arriéré de cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidé, vieillesse dues au titre des années 2000 à 2007 par son ex-époux Monsieur X.
En quelque sorte, la Caisse MSA demande à Madame X de payer des cotisations de Monsieur X pendant une période où ces deux personnes étaient séparées, exerçaient une activité professionnelle différente, Madame X assurant seule sa couverture en Allemagne auprès des organismes concernés.
La cour d’appel déboute la MSA de sa demande, estimant que Madame X n’est pas solidaire des dettes contractées par Monsieur X.
Mais … la Cour de cassation n’est pas du même avis et condamne Madame X au paiement d’arriérés de cotisations pour un montant de … 50 000 € !!
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Commentaire de LégiSocial
Le jugement de la Cour de cassation peut surprendre et il convient de le commenter.
Les cotisations sociales = dettes ayant pour objet l’entretien du ménage
Dans un premier temps, les juges de la Cour de cassation rappellent que pèse sur les époux une obligation solidaire.
Toute dette ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants contractée par l’un engage l’autre.
Des cotisations sociales d’assurance maladie ou vieillesse impayées (y compris les intérêts qui vont avec) sont assimilables à des dépenses ayant pour objet l’entretien du ménage.
Attendu que ce texte, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s'appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, sans distinguer entre l'entretien actuel et futur du ménage ; que constituent une dette ménagère les cotisations dues par un époux au titre d'un régime légal obligatoire d'assurance maladie dont l'objet est de satisfaire les besoins ordinaires du ménage en cas de réalisation des risques qu'il couvre et que les cotisations d'assurance vieillesse ont le caractère de dette ménagère dès lors que ce régime institue le principe d'un droit à réversion au profit du conjoint survivant à la date où les cotisations sont dues ;
De ce point de vue, les sommes dues sont bien du domaine de « l’obligation solidaire ».
Séparation de fait ne met pas fin aux obligations nées du mariage
La Cour de cassation rappelle que Madame et Monsieur X étaient séparés lorsque les dettes ont été contractées auprès de la MSA, mais pas …divorcés !!
Ainsi toutes les obligations de solidarité des dettes de l’un vers l’autre subsistaient, et Madame X est bel et bien redevable des cotisations réclamées par la MSA.
ALORS QUE les cotisations sociales et les majorations de retard dues par un époux, qui ont pris naissance avant la transcription du jugement de divorce sur les actes d'état civil, constituent une dette ménagère dont l'autre époux est tenu solidairement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la séparation de fait n'avait pas d'incidence sur les obligations nées du mariage, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ;