Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de chauffeur par une société de menuiserie.
Le 8/09/2005, il est licencié pour faute grave au motif qu'il avait travaillé pour son compte sur les marchés au stand de son épouse alors qu'il se trouvait en arrêt de travail.
La société qui l’employait a été mise en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur.
Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes estimant son licenciement injustifié.
La Cour d’appel déboute le salarié et considère le licenciement fondé.
Attendu que pour déclarer fondé le licenciement et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que celui-ci était comme d'habitude présent, sur trois marchés, avec l'attitude d'un vendeur tenant le stand de son épouse, en dehors des heures de sortie autorisées par le certificat médical établi pour justifier son arrêt de travail et que l'instrumentalisation d'arrêts de travail pour maladie aux fins de se consacrer à une activité lucrative, même non concurrentielle de celle de l'entreprise au service de laquelle une activité salariée est exercée, constitue un manquement grave du salarié à son obligation de loyauté
Le salarié se pourvoit alors en cassation.
Les juges de la Cour de cassation donnent raison au salarié, cassent et annulent le jugement de la Cour d’appel et renvoient les parties devant la Cour d’appel.
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Commentaire de LégiSocial
Ce jugement de la Cour de cassation est important.
La Cour de cassation considère en l’espèce que le licenciement n’est pas fondé.
Les juges appuient leur jugement sur le fait que l’activité réalisé par le salarié pendant son arrêt de travail ne constituait pas une activité concurrente à l’employeur chez qui le salarié occupait le poste de chauffeur.
Attendu que l'inobservation par le salarié de ses obligations à l'égard de la sécurité sociale ne peut justifier un licenciement et que l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ;
En prononçant un licenciement pour faute grave, l’employeur s’était placé sur « le terrain disciplinaire ».
Pour la Cour de cassation, le licenciement disciplinaire ne peut être reconnu que lorsque le salarié commet un acte violant son obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur.
Peut-on en conclure que tout salarié peut exercer une activité pendant un arrêt de travail ? : certainement pas au regard du Code de la Sécurité sociale qui est fondé alors à suspendre le paiement des indemnités journalières au regard de l’article suivant :
Article L323-6
Modifié par LOI n°2010-1594 du 20 décembre 2010 - art. 114
Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :
1° D'observer les prescriptions du praticien ;
2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;
3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4° De s'abstenir de toute activité non autorisée.
En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.
En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-14.
En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l'article L. 142-2 contrôlent l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré.
Rappelons en outre que l’arrêt de travail constitue un cas de suspension du contrat de travail.
De ce fait, le salarié doit continuer à respecter ses obligations contractuelles notamment en ce qui concerne tout ce qui pourrait nuire à son employeur (activité concurrente, nuire à l’image de sa société, fidélité, discrétion, réserve, etc.)
Le salarié prend donc un risque en exerçant une activité, l’affaire présente a le mérite d’indiquer que le licenciement pour faute grave d’un salarié qui exerce une activité durant son arrêt de travail doit reposer sur un manquement à son obligation contractuelle.
Le fait d’avoir une activité qui n’est pas concurrente ne justifie en aucun cas la rupture du contrat de travail pour raison disciplinaire.