Quand le temps de trajet devient… temps de travail effectif !

Jurisprudence
Temps travail effectif

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Contexte de l'affaire

3 salariés sont engagés en qualité de maçon dans une entreprise qui fait l’objet d’un Redressement Judiciaire (RJ).

Ils décident de saisir la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre du temps de trajet pour se rendre du siège de l'entreprise aux lieux d'exécution des chantiers.

Les salariés devaient en effet se rendre sur le siège de l’entreprise pour se rendre par la suite sur les lieux de chantier.

Dans un premier temps, la Cour d’appel déboute les salariés de leur demande.

Il est rappelé que dans l’entreprise concernée, lors de la mise en place des 35 heures, les temps de trajet étaient exclus du temps de travail effectif.

Ainsi, le transport dans un véhicule mis à disposition par l’employeur, ne permet pas de considérer les temps de trajet entre le siège de la société et les chantiers comme du temps de travail effectif.

Extrait de l'arrêt :

Attendu que pour les débouter de cette demande, l'arrêt retient que pour la mise en place des " 35 heures ", l'employeur a eu recours à un consultant extérieur, lequel atteste avoir donné lecture et expliqué aux salariés les modalités de réduction du temps de travail et l'exclusion des temps de trajet du temps de travail effectif, qu'ainsi le transport dans un véhicule mis à disposition par l'entreprise des salariés, qui par ailleurs percevaient l'indemnité conventionnelle de trajet, ne permet pas de considérer les temps de trajet entre le siège de la société et les chantiers comme des temps de travail effectif ;

Les salariés décident de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation donne raison aux salariés.

Les juges cassent et annulent l'arrêt de la Cour d’appel et renvoient les deux parties devant une nouvelle Cour d’appel.

Extrait de l'arrêt  :

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute MM. X..., X... Z...et A... de leur demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des temps de trajet, l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Cour de cassation du , pourvoi n°10-28573

Commentaire de LégiSocial

Profitons de cet arrêt pour rappeler quelques définitions importantes en matière de temps de travail du salarié.

Le temps de déplacement

C’est l’article 69 de la dite de « cohésion sociale » qui donne la définition du temps de déplacement comme suit :

Loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale

Article 69

Après le troisième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. (…)

De ce fait, le code du travail indique :

Article L3121-4

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Le temps de travail effectif

Le temps de travail effectif se définit comme répondant cumulativement à 3 critères :

  • Le salarié est à la disposition de l’employeur ;
  • Il est soumis à son autorité ;
  • Il ne peut vaquer à des occupations personnelles.

Article L3121-1

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Rémunération :

Le temps de déplacement ne donne lieu à une rémunération, seul peut se produire le cas particulier du temps de déplacement qui excéderait le temps habituel.

Dans le cas de dépassement, le salarié doit bénéficier d’une compensation soit sous forme de repos, soit sous forme financière. 

Le temps de travail effectif donne obligatoirement lieu au versement d’une rémunération, et sera pris en compte afin de savoir si des heures supplémentaires (ou complémentaires s’il s’agit d’un salarié à temps partiel) sont dues.

Dans l’affaire présente, les salariés devaient :

  • Se rendre au siège de la société dans un premier temps ;
  • Puis prendre un véhicule de l’entreprise pour aller sur les chantiers.

Lorsque les salariés utilisaient le véhicule de la société pour se rendre sur un chantier, ils étaient :

  • à la disposition de l’employeur ;
  • soumis à son autorité ;
  • dans l’impossibilité de  vaquer à des occupations personnelles.

Ce temps devait donc s’analyser en temps de travail effectif, donnant lieu à rémunération.

Quand le temps de « trajet » devient un « temps de travail effectif » !