Contexte de l'affaire
L’affaire concerne une entreprise, dans laquelle un accord collectif sur l’encadrement du travail de nuit des travailleurs de nuit a été conclu le 18/12/2002.
Aux termes de cet accord, qui prévoit, conformément aux prescriptions légales, des contreparties en repos et des mesures protectrices,
"est travailleur de nuit tout travailleur qui, soit accomplit au moins deux fois par semaine, selon son horaire habituel, au moins 3 h de son temps de travail effectif quotidien durant la période comprise entre 21 h et 6 h … , soit accomplit sur une année civile au moins 270 h de travail effectif durant cette même période de nuit".
Estimant que la société X ne respectait pas l'accord en refusant de valider au titre du travail de nuit un certain nombre d'heures ne correspondant pas à du travail effectif accompli la nuit, un syndicat saisit le tribunal de grande instance aux fins de voir juger que le statut de travailleur de nuit devait s'appliquer aux salariés en poste totalisant au moins 270 heures de nuit sur leur bulletin de paie par année civile.
Dans un premier temps, la Cour d’appel déboute le syndicat de sa demande, retenant le fait que les heures portées sur les bulletins de salaire ne correspondaient pas aux heures réellement travaillées, cela en raison des congés payés, jours de formation, etc.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le syndicat de sa demande, l'arrêt retient que toutes les heures de nuit portées sur les bulletins de paie de janvier à décembre 2003 ne sont pas des heures effectivement travaillées en raison des congés, des jours de formation, des jours fériés, de la participation aux réunions du comité d'entreprise, des crédits d'heures, qu'il est ainsi établi que certaines heures de nuit portées sur les bulletins de paie ne correspondent pas à des heures effectivement travaillées, notamment lorsque les salariés sont en congé ou en formation, que les bulletins de paie, qui mentionnent "heures de nuit habituelles" n'attestent pas des heures de nuit effectivement réalisées, et qu'il n'est pas nécessaire, pour statuer sur la demande du syndicat, de s'attarder sur la question des heures de délégation du représentant du personnel ;
L’argumentation de la Cour d’appel est rejetée par la Cour de cassation.
Les juges cassent et annulent le jugement, renvoyant les 2 parties devant une nouvelle cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de prendre en compte non pas le total des heures effectivement réalisées la nuit mais l'horaire habituel du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Commentaire de LégiSocial
Cette affaire nous permet de rappeler quelques notions fondamentales.
Travailleur de nuit
Doit être considéré comme travailleur de nuit, toute personne qui
- Soit accomplit, au moins 2 fois par semaine, 3 h durant la période 21 heures- 6 heures du matin (ou d’autres plages comme prévu aux articles L 3122-29 et L3122-30) ;
- Soit accomplit un nombre minimal d’heures (270 heures sur 12 mois en cas d’absence d’accord collectif).
Article L3122-31
Est considéré comme travailleur de nuit tout travailleur qui :
1° Soit accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période définie à l'article L. 3122-29 ou à l'article L. 3122-30 ;
2° Soit accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de ces mêmes articles.
Le nombre minimal d'heures de travail de nuit et la période de référence mentionnés au 2° sont fixés par convention ou accord collectif de travail étendu ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat pris après consultation des organisations représentatives au niveau national des employeurs et des salariés.
Article L3122-29
Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit.
Une autre période de neuf heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures incluant, en tout état de cause, l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la période mentionnée au premier alinéa par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement.
A défaut d'accord et lorsque les caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise le justifient, cette substitution peut être autorisée par l'inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'il en existe.
Article L3122-30
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 3122-29, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est fixée entre 24 heures et 7 heures.
Une autre période de travail de nuit peut être fixée par une convention ou un accord collectif de branche étendu, un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette période de substitution devra comprendre en tout état de cause l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures.
Article R3122-8
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
En l'absence de définition par une convention ou accord collectif de travail étendu, est considéré comme travailleur de nuit, au sens de l'article L. 3122-31, le travailleur qui accomplit, pendant une période de douze mois consécutifs, deux cent soixante dix heures de travail.
Horaire théorique ≠ horaire réellement réalisé
Dans son arrêt, les juges de la Cour de cassation considèrent que doivent être pris en compte toutes les heures comprises dans l’horaire de travail habituel du salarié, et non comme l’indiquait la Cour d’appel des heures réellement effectuées.
On remarquera que dans cette affaire, l’accord collectif envisageait le travail effectif permettant de considérer que le salarié pouvait bénéficier du statut de travailleur de nuit.
L’employeur de ce fait ne prenait pas en considération les heures de congés ou de formation, pour apprécier le seuil de 270 heures sur l’année civile.
C’est cette pratique que les juges de Cour de cassation condamnent en l’occurrence.