Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de directeur juridique suivant un contrat de travail à durée déterminée signé le 25/07/2008, avec une prise de fonctions «le plus tôt possible et au plus tard trois mois et une semaine après la date de signature du contrat de travail par le salarié».
Par un courrier du 24/09/2008, l'employeur décide de ne pas donner suite à ce contrat.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes de diverses sommes consécutives à la rupture des relations contractuelles.
Dans un premier temps, la Cour d’appel donne partiellement raison au salarié.
Les juges considèrent que si le salarié peut prétendre au paiement de dommages et intérêts, il n’en est pas de même des salaires correspondants au contrat CDD, ce dernier n’ayant pas débuté.
Extrait de l’arrêt
Attendu que pour limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts dus au titre de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, l'arrêt retient que le salarié ne peut se prévaloir d'une telle rupture dès lors que le début de la relation contractuelle n'ayant pas été définitivement fixé entre les parties, et le contrat n'ayant jamais commencé à recevoir application compte tenu de l'incertitude qui entourait son début d'exécution, les mécanismes légaux prévus en matière de rupture de contrat à durée déterminée n'étaient pas applicables ; que tout au plus, la «non-réalisation» du contrat de travail est imputable à l'employeur mais sans que celle-ci ne puisse être assimilée à une rupture du contrat de travail à durée déterminée ayant acquis capacité d'exécution ; que si la décision de ne pas permettre au contrat de travail de se réaliser ouvre droit à réparation d'un préjudice certain, le salarié, s'il peut prétendre à des dommages-intérêts, ne saurait invoquer le versement de ceux-ci sur la base de l'article L. 1243-4 du code du travail ;
Les juges de la Cour de cassation ne sont pas du même avis, ils cassent et annulent l’arrêt de la Cour d’appel, et renvoient les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.
Extrait de l’arrêt
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Commentaire de LégiSocial
C’est une affaire intéressante, et signalons de plus que ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation rend un tel arrêt.
Rupture anticipé du contrat de travail : cas autorisés
Un contrat de travail CDD ne peut être rompu que pour des cas limitativement encadrés par le Code du travail.
Les cas de ruptures anticipées sont au nombre de 5 :
1/ A la demande du salarié et pour un CDI
Le salarié à qui un autre employeur propose la conclusion d’un contrat CDI, a toute faculté de rompre le contrat CDD.
Le salarié doit alors respecter un délai qui dépendra de la forme du contrat (avec ou sans terme précis).
Article L1243-2
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1243-1, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter un préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour par semaine compte tenu :
1° De la durée totale du contrat, renouvellement inclus, lorsque celui-ci comporte un terme précis ;
2° De la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.
Le préavis ne peut excéder deux semaines.
2/ Accord des deux parties (employeur et salarié)
3/ Faute grave (ou lourde) du salarié
4/ Force majeure
Article L1243-1
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.
Signalons que dans ce cas particulier de rupture anticipée autorisée, le salarié doit percevoir les rémunérations qu’il aurait perçues s’il avait travaillé.
Article L1243-4
Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 49 (…)
Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l'échéance du terme en raison d'un sinistre relevant d'un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Cette indemnité est à la charge de l'employeur.
5/ En cas d’inaptitude du salarié
Ce nouveau cas de rupture anticipé a été introduit récemment, plus précisément par la loi du 17/05/2011.
Vous pouvez retrouver un article que nous avons rédigé à ce sujet, en cliquant ici.
Lire aussi : Un nouveau cas de rupture anticipée d'un contrat CDD Actualité
La loi récente du 17 mai 2011 (loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit) n° 2011-525 (JO 18/05/2011) introduit un nouveau cas de rupture anticipé d’un contrat ...
Article L1243-1
Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 49
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
Rupture anticipé du contrat de travail : cas injustifiés
Lorsque la rupture est à l’initiative de l’employeur, et ne rentre pas dans les 5 cas précités, l’employeur encourt des sanctions importantes.
On peut ainsi envisager différents cas :
1/ Avant le début du contrat :
Si le contrat est rompu avant même le début de son exécution, (possible si une lettre d’engagement ou une promesse d’embauche ont été rédigées) :
L’employeur se trouvera dans l’obligation de verser des dommages intérêts (montant minimum : salaires de la totalité du contrat) ainsi que l’indemnité de précarité calculée sur la totalité du contrat.
2/ Quand le contrat est commencé:
Si le contrat est débuté, l’employeur devra verser:
- des dommages intérêts (montant minimum : salaires de la totalité du contrat) ;
- plus l’indemnité de précarité calculée sur la totalité du contrat ;
- plus une indemnité compensatrice de congés payés (uniquement sur la période déjà travaillée).
3/ Quand le contrat est signé, même s’il n’est pas commencé
C’est le cas dans l’affaire présente.
Les juges de la Cour de cassation, confirment dans leur arrêt qu’en limitant le dédommagement du salarié au versement de dommages en intérêts, prenant en référence le fait que le contrat n’avait pas encore commencé, la Cour d’appel avait violé les articles L 1243-1 et L 1243-4 du code du travail.
Le salarié pouvait prétendre au paiement de :
- L’intégralité des salaires jusqu’au terme du contrat CDD ;
- L’indemnité de précarité correspondante.
Extrait de l’arrêt
ALORS, 1°), QUE la rupture à l'initiative de l'employeur d'un contrat de travail à durée déterminée en dehors des cas limitativement énumérés à l'article L. 1243-1 du code du travail ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, peu important que son exécution ait ou non commencé et qu'une date de début d'exécution ait été ou non stipulée ; qu'en allouant des dommages-intérêts accordés au salarié d'un montant inférieur à celui prévu par l'article L. 1243-4 du code du travail, après avoir pourtant constaté que le contrat de travail conclu le 25 juillet 2008 avait été rompu par l'employeur pour un motif étranger aux prescriptions légales, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1243-1 et L. 1243-4 du code du travail
Article L1243-1
Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 49
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
Article L1243-4
Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 49
La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.
Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l'échéance du terme en raison d'un sinistre relevant d'un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Cette indemnité est à la charge de l'employeur.
Pour terminer, rappelons qu’une affaire analogue a été jugée récemment, vous pouvez la retrouver en détails en cliquant ici.
Lire aussi : Être payé…sans avoir travaillé ! Jurisprudence
L’affaire concerne une salariée qui signe un contrat CDD du 18/02 au 17/03/2008. Elle est recrutée en qualité d’enquêteuse. A l’issue d’une journée de formation qui se déroule le ...