Le salarié arrive en retard : l’employeur a le droit de diminuer le salaire !

Jurisprudence
Sanctions

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Cet article a été publié il y a 12 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Cette affaire concerne un salarié engagé le 1/07/1998.

Il occupe, à compter du 1/04/2003, les fonctions de responsable technique avec statut cadre dans la grille de la convention nationale des ingénieurs et cadres du bâtiment,.

Il prend acte de la rupture de son contrat de travail le 2/04/2008 et saisit  la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de retenues indues sur salaire.

Le salarié considère en effet que la retenue sur salaire faite par son employeur, en raison de retards répétés constitue une sanction pécuniaire.

Dans un premier temps, la Cour d’appel donne raison au salarié, considérant que la retenue qui avait été faite constituait une sanction pécuniaire prohibée par la loi.

La Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel et renvoie les parties devant une nouvelle Cour d’appel.

Extrait de l’arrêt

Attendu que la retenue opérée par un employeur sur le salaire en raison de l'absence du salarié et à proportion de la durée ne constitue pas une sanction disciplinaire ;

Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une somme au titre de la retenue sur salaire opérée en juillet 2007, l'arrêt retient que quand bien même les retards seraient avérés, cette déduction constitue une sanction pécuniaire interdite en vertu de l'article L. 1331-2 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accordé un rappel de salaire au titre des temps de déplacements professionnels et condamné la société à verser 134, 02 euros à titre de remboursement de retenue sur salaire, l'arrêt rendu le 28 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Cour de cassation du , pourvoi n°10-21097

Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant les sanctions.

Délai pour sanctionner des faits fautifs :

Le code du travail donne une règle très précise concernant le délai pendant lequel l’employeur pourra prononcer une sanction vis-à-vis de son salarié.

Ainsi, un délai de 2 mois est possible, à partir du moment où l’employeur a connaissance des faits pour prononcer une sanction (blâme, avertissement ou licenciement éventuellement).

Article L1332-4

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

 

Prescription des sanctions :

De la même façon, un employeur ne peut appuyer une nouvelle sanction en rappelant des sanctions antérieures au-delà d’un délai de 3 ans.

Article L1332-5 

Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

Délai pour notifier une sanction

Tout employeur qui souhaite notifier une sanction disciplinaire à son salarié, doit respecter un délai correspondant à « deux jours ouvrables.

Le délai ne peut pas excéder un mois après le jour fixé pour l’entretien.

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé

Nota : nous avons consacré un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en détails en cliquant ici.

Sanction pécuniaire prohibée

Ainsi que le confirme le Code du travail, toute sanction pécuniaire est interdite.

Article L1331-2

Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

Les sanctions pécuniaires peuvent se définir comme la retenue sur salaire visant à sanctionner le comportement fautif du salarié.

Quelques exemples concrets :

Cette définition a été précisée régulièrement par la Cour de cassation, nous pouvons rappeler quelques exemples de sanctions considérées comme pécuniaires :

  • Suppression d’une prime (Arrêt 20/12/2006, pourvoi 05-45365) ;
  • Diminution de la rémunération pour « non réalisation » du chiffre d’affaires (arrêt 20/10/2010, pourvoi 09-42896) ;
  • Priver un salarié d’une augmentation générale des salaires, en raison d’un comportement fautif (Arrêt 19/07/1995 pourvoi 91-45401) ;
  • Le refus ou la mauvaise exécution d’un travail (Arrêt 7/02/2008, pourvoi 06-45208) ;
  • Priver un salarié d’un avantage (comme une place de parking), voir notre article à ce sujet en cliquant ici.

Ne pas confondre…

La mise à pied disciplinaire ne doit pas être considérée comme une sanction pécuniaire, même si la mise à pied entraînera la diminution de la rémunération.

Retenue pour absence ou retards

Pour en revenir à l’affaire présente, rappelons donc que faire une retenue sur salaire dans le cadre d’une absence n’est pas une sanction pécuniaire.

Attention toutefois à bien opérer à une retenue strictement proportionnelle à la durée de l’absence (correspondant dans notre affaire au temps de retard constaté).

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