On peut mettre fin à un usage par un… accord collectif !

Jurisprudence
Frais professionnels

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 1/01/2000 en qualité de manutentionnaire cariste.

Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de rappel de salaire au titre de primes de rendement et de paniers résultant d'usages à compter de janvier 2002. 

Le salarié estime en l’occurrence qu’il s’agissait d’un usage, et que l’employeur y met fin sans respecter les règles habituelles légales en matière de dénonciation d’un usage. 

Dans un premier temps, la Cour d’appel donne raison au salarié et condamne l’employeur au versement de rappels de salaires.

Extrait de l’arrêt

Attendu que pour faire droit à la demande du salarié, l'arrêt retient que s'agissant d'une entreprise ne comportant pas de comité d'entreprise, mais seulement des délégués du personnel, il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de ce qu'il a notifié à ces derniers la dénonciation de l'usage et de ce qu'il leur a clairement fixé le délai de préavis or la convocation des délégués du personnel par lettre du 19 septembre 2001 pour la réunion du 25 ne mentionne pas dans son ordre du jour la question de la dénonciation de l'usage et si le compte-rendu de cette réunion fait mention de la dénonciation des usages par la direction, il ne s'agit là que d'une simple affirmation de l'employeur ; qu'en l'état des éléments d'appréciation versés au dossier il n'est nullement démontré que l'employeur aurait informé les institutions représentatives du personnel de la dénonciation des usages et il n'est pas davantage justifié que M. X...aurait été individuellement informé ;

Mais les juges de la Cour de cassation ne sont pas d’accord avec la Cour d’appel. 

Ils décident ainsi de casser et annuler l’arrêt de la Cour d’appel.

Ils considèrent en effet qu’un accord d’entreprise avait mis fin à l’usage, ce qui est totalement licite.

Extrait de l’arrêt

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si l'accord d'entreprise du 23 janvier 2002 n'avait pas mis fin aux usages litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des règles et de l'accord susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour retard de paiement, l'arrêt rendu le 15 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges

Cour de cassation du , pourvoi n°10-12182

Commentaire de LégiSocial

Profitons de la présente affaire, pour rappeler les règles à respecter en matière de dénonciation d’un usage. 

Les règles de dénonciation

La Cour de Cassation reconnaît la possibilité de supprimer un avantage instaurée par voie d’usage. 

Pour que l’usage soit supprimé, l’employeur doit :  

  • Informer institutions représentatives ;
  • Informer individuellement les salariés ;
  • Respecter un délai de prévenance suffisant (aucun texte ne fixe le délai qui sera apprécié par le juge). 

Informer les institutions représentatives

La Cour de cassation considère qu’il s’agit de la première étape que doit respecter l’employeur.

Cour de cassation du 13/02/1996 n° 93-42309

L’information doit être communiquée aux délégués du personnel lors de la réunion mensuelle, mais aussi de façon individuelle et par écrit. 

Informer individuellement les salariés

La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt.

Cour de cassation du 11/01/2000 n° 97-44148

La prudence est d’informer chaque salarié par écrit, de préférence en lettre recommandée ou lettre remise en main propre.

Les informations suivantes ont été considérées comme non licites par la Cour de cassation :

  • Affichage ;
  • Annonce faite lors d’une réunion du personnel ;
  • Mention portée sur le bulletin de salaire.

Cour de cassation du 27/11/1990 n° 87-42404

Cour de cassation du 4/07/1995 n° 92-40076

Cour de cassation du 9/04/2002 n° 00-41783

Respecter un délai de prévenance suffisant (aucun texte ne fixe le délai qui sera apprécié par le juge)

A titre d’exemple, a été considéré comme un délai suffisant la dénonciation d’un usage en juin pour une prime 13ème mois habituellement versée sur la paye de décembre. 

Cour de cassation du 27/04/1989 n° 86-45468

Ainsi si un délai « suffisant » doit être respecté entre la dénonciation et la date prévue du bénéfice de l’usage, il est évident que la dénonciation ne peut en aucun cas avoir un effet « rétroactif ». 

Ainsi un usage qui serait dénoncé le 1er janvier 2011 pour une prime versée habituellement le 31 décembre 2010 continuerait d’être actif car la dénonciation de l’usage serait considéré comme illicite. 

Dénonciation par un accord collectif

C’est l’objet de l’affaire présente. 

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation s’est prononcée à ce sujet. 

Rappelons ainsi les affaires suivantes :

On peut aussi mettre fin à un usage par un accord collectif même moins favorable, pour autant que l’accord ait le même objet.

Ainsi l’accord collectif met fin à l’usage sans besoin de le dénoncer

Cour de cassation du 8/01/2002

Dans un autre arrêt du 10/03/2010, la Cour de cassation a confirmé qu’un accord collectif pouvait dénoncer un usage en vigueur, même dans un sens moins favorable pour les salariés, pour autant que l’accord porte sur le même sujet.