Départ en congé de paternité : l’employeur n’a pas le droit de refuser !

Jurisprudence
Congé maternité/paternité/adoption

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Contexte de l'affaire

Cette affaire concerne un salarié engagé le 19/11/2004. 

A la suite de la naissance de son enfant intervenue le 25/07/2007, il informe son employeur par lettre du 3/08/2007 de son souhaite de prendre un congé de paternité du 6 au 16/09/2007. 

Mais son employeur lui oppose un refus, en raison de la charge de travail, et propose un report du congé pour la période du 8 au 18/11/2007 (soit un report de plus de 2 mois !). 

Le salarié passe outre le refus. 

Il est licencié pour faute grave en raison de son absence non autorisées à compter du 6/09/2007. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, contestant le bien-fondé de son licenciement.

Dans un premier temps, la Cour d’appel donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la Cour d’appel, donnent raison au salarié et déclarent le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que le salarié avait, le 6 août 2007, régulièrement fait part à la société X… , de la naissance de son enfant et informé l'employeur de son absence pour congé de paternité de onze jours à compter du 6 septembre 2007, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en prenant effectivement son congé à la date choisie malgré l'opposition de son employeur, le salarié n'avait commis aucune faute de sorte que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-10282

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant le congé de paternité.

Principes généraux

Le congé de paternité a été créé par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002.

Il est applicable à tous les « actifs » qu’ils soient travailleurs salariés, fonctionnaires, travailleurs indépendants ou employeurs. 

Le Code du travail en donne la définition par l’article L 1225-35. 

La durée du congé est actuellement fixée à 11 jours calendaires.

Article L1225-35

Après la naissance de son enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié bénéficie d'un congé de paternité de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples.

Le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail.

Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin.

Les durées :


La durée du congé paternité est de 11 jours pour la naissance d'un enfant, et de 18 jours en cas de naissances multiples.
Des conventions collectives ou des accords de branche peuvent prévoir des dispositions plus favorables.

 

Conditions pour bénéficier du congé de paternité


Le congé paternité est ouvert à tout salarié quelle que soit son ancienneté ou la nature de son contrat de travail (CDI, CDD, temps partiel, intérimaire, saisonnier, ...), quelle que soit sa situation familiale (mariage, PACS, union libre, divorce ou séparation), quel que soit le lieu de naissance ou de résidence de son enfant (en France ou à l'étranger), et que l‘enfant soit ou non à sa charge.

Début du congé

Le congé paternité doit débuter dans les 4 mois qui suivent la naissance de l'enfant.

Article D1225-8

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)


Le congé de paternité est pris dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant.
Le congé peut être reporté au-delà des quatre mois dans l'un des cas suivants :
1° L'hospitalisation de l'enfant. Le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l'hospitalisation ;
2° Le décès de la mère. Le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en application de l'article L. 1225-28. 

Il s'ajoute aux 3 jours d'absence autorisée accordés par l'employeur pour une naissance. 

Formalités à accomplir par le salarié auprès de son employeur

Le salarié doit informer son employeur (il est recommandé de le faire par lettre recommandée avec avis de réception) un mois minimum avant le début du congé. 

Le congé s’impose à l’employeur

C’est ainsi que l’on pourrait tirer les conclusions du présent arrêt.

En effet, pour la 1ère fois la Cour de cassation devait rendre un arrêt sur :

  • Le départ d’un salarié en congé de paternité malgré le refus de son employeur ;
  • De son licenciement pour absence non justifiée.

L’arrêt de la Cour de cassation permet d’indiquer que :

  • L’employeur ne peut pas s’opposer au départ de son salarié ;
  • Il ne peut pas en exiger le report au prétexte d’une surcharge de travail ou pour tout autre motif ;
  • Le départ en congé de paternité ne requiert pas l’accord de l’employeur, sous réserve bien entendu que la demande soit faite dans les normes légales (dans les 4 mois et 1 mois avant le départ). 

Ne pas confondre avec d’autres congés « spéciaux »

Le refus ou le report d’un congé de paternité ne sont pas prévus par les textes, la Cour de cassation confirme que cela n’est pas envisageable. 

Il n’en est pas de même pour certains congés comme : 

Congé de création, reprise d’entreprise ou sabbatique

Le code du travail prévoit expressément que l’employeur est en droit de refuser de tels congés, s’il estime qu’il aura des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise.

Article L3142-97

Modifié par LOI n°2008-67 du 21 janvier 2008 - art. 3

Dans les entreprises de moins de deux cents salariés, l'employeur peut refuser un congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante ou un congé sabbatique s'il estime, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, que ce congé aura des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise.

L'employeur précise le motif de son refus, à peine de nullité.

Ce refus est, à peine de nullité, porté à la connaissance du salarié.

Le refus de l'employeur peut être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.

Congé de solidarité internationale

De la même façon, le code du travail prévoit la possibilité d’un refus par l’employeur.

Article L3142-34

Modifié par LOI n°2008-67 du 21 janvier 2008 - art. 3

Le congé de solidarité internationale peut être refusé par l'employeur s'il estime qu'il aura des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise.

Ce refus est motivé. Il est notifié au salarié dans un délai de quinze jours après réception de la demande. Il peut être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

A défaut de réponse de l'employeur dans un délai de quinze jours, son accord est réputé acquis.

Congé de formation économique et sociale et de formation syndicale

C’est aussi le cas de ce type de congé, pour lequel le refus de l’employeur est prévu par le Code du travail.

Article L3142-13

Le congé de formation économique et sociale et de formation syndicale est de droit, sauf dans le cas où l'employeur estime, après avis conforme du comité d'entreprise ou, s'il n'en existe pas, des délégués du personnel, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise.

Le refus du congé par l'employeur est motivé.

En cas de différend, le refus de l'employeur peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.