Contexte de l'affaire
Cette affaire concerne un salarié engage le 24/11/1998, en qualité de directeur général.
Le 23/06/1999, lui sont confiées les fonctions de directeur de développement.
Son contrat de travail prévoit une préavis de rupture de 12 mois, ainsi que la mise à disposition d’une véhicule de fonction (pour un usage professionnel et personnel).
Il est licencié le 8/04/2008, avec dispense de préavis.
Il restitue la voiture de fonction à son employeur en avril 2009, soit 12 mois après son licenciement.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Son employeur, de son côté, estime que le salarié doit être condamné à verser à son entreprise une somme de plus de 30.000 € pour ne pas avoir restitué le véhicule de fonction.
L’entreprise considère en effet que le véhicule devait être restitué, compte tenu d’une clause du contrat de travail spécifiant la restitution du véhicule en cas de dispense de préavis.
Dans un premier temps, la Cour d’appel donne raison à l’employeur, considérant que le salarié était lié par la clause de restitution du véhicule en cas de dispense du préavis.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour condamner le salarié à payer à la société G… la somme de 30 263,35 euros à titre de remboursement de frais afférents à la voiture professionnelle indûment conservée, l'arrêt se fonde sur l'article 13-2 du contrat de travail qui prévoit que la voiture de fonction devra être restituée à la date de notification de la rupture dès lors que le salarié sera dispensé d'exécuter son préavis ;
Mais les juges de la Cour de cassation ne sont pas du même avis.
Ils cassent et annulent l’arrêt de la Cour d’appel.
Selon la Cour de cassation, le salarié n’avait pas l’obligation de restituer le véhicule en cas de dispense de préavis, peu importe qu’une clause du contrat de travail prévoyait cette restitution.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié dispensé de l'exécution de son préavis ne peut être tenu, même en application d'un engagement pris dans le contrat de travail, de restituer l'avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la société G… la somme de 30 263,35 euros à titre de remboursement de frais afférents à la voiture professionnelle indument conservée, l'arrêt rendu le 15 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de cette affaire pour rappeler quelques principes importants sur la mise à disposition d’un véhicule et le cas particulier de sa restitution pendant la période de préavis (effectué ou non).
Mais avant cela, il est bon d’analyser la « nature » de la mise à disposition du véhicule.
Nature de la mise à disposition
Usage professionnel uniquement
Si le véhicule est mis à la disposition du salarié pour un usage exclusivement professionnel alors :
- L’employeur peut exiger la restitution du véhicule au moment où le salarié n’exerce plus ses fonctions (c’est le cas pendant la période de préavis, si le salarié en est dispensé) ;
- Le salarié n’est pas en droit de conserver le véhicule ;
- Le salarié n’est pas en plus en mesure de prétendre au versement d’une indemnité compensatrice.
Deux arrêts de la Cour de cassation confirment ces dispositions.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 17 décembre 1987 N° de pourvoi: 85-41350
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 24 janvier 1991 N° de pourvoi: 89-41048
Usage professionnel et personnel
Dans ce cas, la mise à disposition du véhicule s’analyse en un avantage en nature.
Des dispositions particulières doivent alors être observées que nous allons décrire en détails.
Avantage en nature : la règle
Pendant la période de préavis, la valeur des avantages en nature doit être intégrée au salaire de base, selon la règle qui stipule que pendant cette période « on doit verser au salarié le salaire qu’il aurait perçu s’il avait été présent !!! ».
La dispense par l'employeur de l'exécution d'un préavis pour un salarié (qu’il soit salarié ou démissionnaire) ne doit pas entraîner une diminution de ses avantages.
Article L1234-5
Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.
Les seuls avantages auxquels il ne pourrait plus prétendre seraient les avantages liés à son activité dans l'entreprise (tickets repas, remboursement de frais professionnels).
Un salarié pourra donc disposer d'un véhicule de fonction pour son usage personnel et professionnel jusqu'au dernier jour de son contrat !
Un salarié qui est dispensé par son employeur de l'exécution de son préavis n'est pas tenu, jusqu'à la date de rupture effective du contrat, de restituer l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, qui correspondait à l'application normale de son contrat de travail.
Cour de cassation du 8/3/2000 arrêt 1158 P
A noter que si le salarié rendait son véhicule, il pourrait alors prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis incluant la valeur que représente l’avantage en nature véhicule.
Cas particulier de la restitution prévue par le contrat de travail
Le présent arrêt a l’avantage de préciser un point important : que doit-on décider s’il existe une clause prévoyant la restitution du véhicule en cas de dispense de préavis ?.
Selon les juges de la Cour de cassation, l’existence d’une telle clause dans le contrat de travail ne change rien !
Aucune des deux parties concernées par un contrat de travail, ne peut renoncer à l’avance au droit de se prévaloir des règles entourant les avantages en nature notamment.
Article L1231-4
L'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles prévues par le présent titre.
Le salarié n’a pas à restituer le véhicule de fonction mis à sa disposition (sous entendu pour un usage professionnel et personnel) avant la fin du préavis, quand bien même le salarié soit dispensé de l’exécution de ce préavis de rupture.