Contexte de l'affaire
Cette affaire concerne un salarié engagé le 3/04/1989 en qualité de chef de ventes.
Il est placé en arrêt de la maladie du 29/07 au 14/09/2003 puis à compter du 29/09/2003.
Il saisit la juridiction prud’homale le 23/01/2004 d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral notamment.
Il est finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3/02/2004.
La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison au salarié dans cette affaire, relevant que le salarié était victime de harcèlement moral.
Ils relèvent en effet plusieurs faits dont :
- Un déclassement professionnel (au profit de son subordonné) ;
- Des propos agressifs et humiliants à son encontre ;
- Des pressions exercées sur lui pour le conduire à démissionner.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié avait fait l'objet d'un déclassement professionnel au profit de son subordonné qui l'avait remplacé dans son poste de chef des ventes, que plusieurs membres du service commercial avaient attesté du harcèlement dont il était l'objet et qui en le discréditant l'empêchait d'exercer sereinement ses fonctions et que des propos agressifs et humiliants avaient été tenus le concernant lors d'une réunion en présence du PDG et d'autres collaborateurs et retenu que les carences du salarié, à les supposer réelles, ne pouvaient justifier les pressions exercées sur lui pour le conduire à démissionner, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les éléments de fait et de preuve et procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Cette affaire évoquant la démission, nous avons décidé de rappeler quelques notions importantes concernant ce mode de rupture du contrat de travail.
Uniquement pour les contrats CDI
La démission ne concerne que les salariés sous contrat CDI.
Elle met un terme au contrat de travail.
Il serait totalement faux de parler de démission pour un salarié en contrat CDD, il s’agit dans ce cas précis d’une « rupture unilatérale du contrat de travail ».
C’est l’article L 1231-1 du Code du travail qui donne la définition de la démission comme suit :
Article L1231-1
Modifié par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5
Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.
Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai.
Droit pour tous les salariés
Tout salarié a donc le droit de démissionner, on dit parfois que ce principe est « d’ordre public ».
Cela sous entend qu’aucune disposition conventionnelle ou contractuelle ne peut y déroger, il serait totalement absurde d’insérer par exemple une clause sur un contrat de travail interdisant à un salarié de démissionner.
Démissionner : seul le salarié le peut !
La démission est un acte dont l’initiative appartient obligatoirement au salarié.
Un employeur ne peut pas « demander » au salarié de démissionner, ou le « pousser » à la démission comme dans l’affaire présente.
La démission ne se présume pas.
C’est à celui qui invoque la démission (donc uniquement le salarié) de la prouver.
La démission peut être implicite ou explicite mais les juges hésitent pour la notion implicite.
Principes fondamentaux
- La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque ;
- La décision doit être réfléchie ;
- La démission doit être libre.
Exemples de cas pour lesquels la démission n’est pas reconnue
La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque :
De ce fait, les cas suivants ne constituent pas des démissions, et l’employeur ne doit en aucun cas les considérer comme telles :
- L’absence non justifiée d’un salarié ;
- Le retour tardif d’un salarié après une suspension du contrat de travail.
Parfois, ce sont les juges de la Cour de cassation qui ont été amené à requalifier ou non l’absence du salarié comme l’expression d’une démission implicite.
Démission : oui selon les juges
Salarié qui ne s’est pas présentée au terme d’un congé parental, malgré 2 courriers de relance.
Arrêt Cour de cassation 23/05/1995 arrêt 91-41070 D
Salariée pour laquelle l’employeur avait utilisé les services d’un huissier pour effectuer une sommation de reprendre le travail.
Arrêt Cour de cassation 10/05/1995 arrêt 91-44668 D
Démission : non selon les juges
La démission donnée au moyen d'une lettre rédigée par le salarié à son domicile alors que le salarié était sujet à un état dépressif de nature à altérer son arrêt.
Arrêt de la Cour de cassation du 1/02/2000 arrêt 98-40244 D
La démission donnée sous le coup de l'émotion, le salarié ayant été hospitalisé le même jour et pendant 11 jours pour dépression nerveuse.
Cour de cassation 26/05/2010 arrêt 08-44923
La démission doit résulter d’une décision réfléchie :
- Exemple du salarié qui démissionne sur un « coup de tête » et se rétracte ensuite, ne constitue pas une démission.
Arrêt de la Cour de cassation du 4/03/1998
Décision libre :
- Par erreur : exemple de la lettre de démission écriture par un autre, le salarié ne sachant ni lire, ni écrire ;
- Par dol : le salarié n’avait pas connaissance des conséquences sur les allocations chômage ;
- Sous la menace : le salarié qui démissionne suite à des menaces ou insultes de son employeur.
Ainsi, les juges de la Cour de cassation considèrent que la lettre de démission écrite sous la contrainte, dans le bureau du directeur après une discussion et des pressions exercées sur le salarié n’est pas recevable car rédigée sous la menace.
Arrêt Cour de cassation 26/05/1993 arrêt 90-42188 D
Arrêt Cour de cassation 10/11/1998 arrêt 96-44299 D
Nous avons récemment rédigé une actualité concernant une salariée démissionnant par… peur des gendarmes.
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