Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne une salariée engagée le 7/12/2000 en qualité de DRH.
Elle est licenciée pour faute grave le 14/03/2007 et saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes.
La faute grave n’est finalement pas retenue et la salariée demande, outre le paiement de l’indemnité de licenciement, le versement d’une indemnité compensatrice de préavis.
Dans un premier temps, la cour d’appel considère que l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due compte tenu du fait que la salariée se trouvait en arrêt de maladie durant cette période.
Elle n’était donc pas en mesure d’effectuer le préavis.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient qu'en arrêt maladie depuis le 29 novembre 2006, l'intéressée ne peut y prétendre dès lors qu'elle ne peut exécuter son préavis du fait de son état de santé ;
La Cour de cassation n’est pas du même avis.
Les juges considèrent que la salariée a été privée de préavis par son employeur, l’indemnité compensatrice de préavis est due nonobstant le fait qu’elle se trouvait en arrêt de maladie.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et remet les parties devant un nouvelle cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, et condamne la société …à payer à Mme X... la somme de 39 934,56 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 7 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Commentaire de LégiSocial
Pour commencer, rappelons les dispositions légales concernant le préavis en cas de licenciement et les différentes situations qui peuvent se présenter.
Préavis non effectué à la demande du salarié (avec l’accord de l’employeur)
Dans ce cas :
- Le salarié ne peut pas prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de préavis ;
- La durée du préavis non effectué sera néanmoins prise en compte par Pôle emploi afin de calculer la carence qui sera appliquée pour le versement des allocations chômage ;
- Le salarié quitte l’entreprise à la date prévue fixant le début du préavis, soit la première présentation de la notification du licenciement.
- L’indemnité de licenciement est calculée en tenant compte de l’ancienneté acquise à la notification du licenciement.
Préavis non effectué à la demande de l’employeur
- L’employeur doit verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis ;
- C’est la fin du préavis (qui aurait dû être effectué) qui marque la date de départ du salarié de l’effectif de l’entreprise ;
- L’indemnité de licenciement doit tenir compte de l’ancienneté acquise à la fin du préavis (même non effectué).
Préavis non effectué compte tenu de la faute
- Le licenciement prononcé pour une faute grave ou lourde ne permet pas le maintien du salarié dans l’entreprise ;
- Le préavis n’est donc pas effectué ;
- La première présentation de la notification du licenciement marque donc le départ du salarié de l’entreprise.
Article L1234-1
Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
Nota :
L’employeur qui laisse un salarié licencié pour faute grave (ou lourde) exécuter un préavis prend un risque.
En cas de litige, les juges ne retiendront pas la faute grave (ou lourde).
Faute grave non retenue
C’est la situation qui correspond à l’affaire présente.
La Cour de cassation indique que lorsqu'il n'a pas été retenu une faute grave à l'encontre du salarié, son employeur qui l'a licencié à tort sans préavis se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter, nonobstant son état de maladie au cours de cette période.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'il n'a pas été retenu une faute grave à l'encontre du salarié, son employeur qui l'a licencié à tort sans préavis se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter, nonobstant son état de maladie au cours de cette période, l'inexécution du préavis n'ayant pas pour cause la maladie du salarié mais la décision de l'employeur de le priver du délai-congé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Pour les juges, la salariée peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis.
Ce n’est pas son arrêt de maladie qui est à l’origine d’un préavis non exécuté, mais le fait que le licenciement ait été prononcé (à tort) pour faute grave privatif dans ce cas de tout préavis.
Pour terminer, rappelons que la maladie du salarié (donc d’un arrêt de travail) n’aurait pas pour effet de repousser le terme prévu de la période de préavis.