Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 22/01/1996 en qualité d’agent d’assurance.
Il est mis à pied de façon conservatoire le 18/03/2009 puis est licencié pour faute grave 13 jours plus tard.
Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes estimant que le délai qui sépare la mise à pied conservatoire et la notification de son licenciement est trop important et remet en cause la qualité « conservatoire » de sa mise à pied.
La cour d’appel puis la Cour de cassation déboutent le salarié de sa demande.
Le délai de 13 jours était, dans l’intérêt même du salarié, indispensable pour que l’employeur mène à bien ces investigations, les faits reprochés portaient sur un détournement de fonds présumé.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'en relevant que la mise à pied, qualifiée de conservatoire, a été suivie treize jours après son prononcé de l'envoi d'une lettre de convocation à l'entretien préalable à un licenciement et que ce délai de treize jours est, dans l'intérêt même du salarié, un délai indispensable, compte tenu de la nécessité, pour l'employeur, de mener à bien les investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds et de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d'appel a pu retenir que cette mise à pied de treize jours avait un caractère conservatoire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Non bis in idem
Non bis in idem qui est une locution latine qui signifie « pas deux fois pour la même chose » est donc l’argument que souhaitait mettre en avant le salarié dans cette affaire.
Le délai séparant la mise à pied « conservatoire » et la notification du licenciement étant trop important, la mise à pied devenait alors « disciplinaire ».
Du coup, l’employeur n’était alors plus en droit de licencier le salarié pour les mêmes faits : non bis in idem !
Extrait de l’arrêt :
(…) que l'employeur n'avait pas violé la règle non bis in idem, quand il résultait de ses propres constatations que la mise à pied n'avait pas été suivie immédiatement et rapidement de l'engagement d'une procédure de licenciement,
Mais la Cour de cassation rejette cette façon d’interpréter un délai de 13 jours.
Ce délai était indispensable, y compris pour le salarié, afin que l’employeur puisse vérifier que le détournement de fonds présumé était réel ou pas.
En l’occurrence, les faits étaient avérés car il s’en est suivi un licenciement pour faute grave.
Extrait de l’arrêt :
que le salarié ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; que la mise à pied qui n'est pas immédiatement suivie par l'engagement d'une procédure de licenciement présente le caractère d'une sanction disciplinaire ; qu'il s'ensuit que l'employeur ne peut décider le licenciement du salarié à raison des mêmes faits ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mise à pied prononcée le 18 mars 2009 était à titre conservatoire tout en constatant que l'engagement de la procédure de licenciement n'avait eu lieu que le 31 mars suivant, soit treize jours après ; qu'en décidant que la mise à pied ainsi prononcée avait le caractère d'une mise à pied à titre conservatoire et que l'employeur n'avait pas violé la règle non bis in idem, quand il résultait de ses propres constatations que la mise à pied n'avait pas été suivie immédiatement et rapidement de l'engagement d'une procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1331-1 et L. 1332-1, L. 1332-2, et L. 1332-3 du code du travail ;
Mise à pied conservatoire ≠ mise à pied disciplinaire
Rappelons que :
- La mise à pied disciplinaire est une sanction, l’employeur ne pourra alors pas prononcer une autre sanction (comme le licenciement) pour le même fait fautif ;
- La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction, mais le délai permettant à l’employeur « d’enquêter » afin de savoir si les faits reprochés au salarié sont réels ou non.
Et si les faits ne sont pas avérés ?
Dans ce cas particulier :
- Aucune sanction ne doit être prononcée ;
- Le temps correspondant à la mise à pied conservatoire sera alors rémunéré !