Retards répétés et pas d’avertissement préalable : le licenciement pour faute grave n’est pas justifié !

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité de mécanicien le 7 février 2005. 

Le 25 février 2008, il est licencié pour faute grave, au motif de retards répétés, d’absences injustifiées, d’une attitude blocage et d’un comportement agressif. 

Extrait de l’arrêt :

(…) dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Y… reproche à M. X... des retards répétés en janvier et février 2008, des absences injustifiées, une attitude de blocage et un comportement agressif pour masquer des lacunes et un manque de sérieux

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande.

Les juges estiment le licenciement pour faute grave justifié, précisant même que le salarié était rarement à l’heure et qu’un client de la société avait demandé à ce qu’il ne soit plus affecté chez lui de nuit, en raison de son comportement. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire le licenciement justifié par une faute grave et débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes d'indemnités au titre de la rupture, l'arrêt retient qu'il résulte du relevé de la pointeuse effectué du 9 janvier au 9 février 2008 que le salarié était rarement à l'heure et qu'un client de la société a demandé à ce qu'il ne soit plus affecté chez lui de nuit en raison de son comportement ;  

La Cour de cassation n’est pas du même avis, les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel et renvoient les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.

Les juges considèrent qu’un licenciement prononcé pour faute grave en l’absence d’avertissement préalable n’est pas licite.

De plus, ils relèvent que ces absences reposent sur une période de 1 mois pour un salarié qui compte une ancienneté de… 3 ans ! 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'avertissement préalable, des retards répétés sur une période d'un mois de la part d'un salarié comptant trois ans d'ancienneté dans l'entreprise ne suffisaient pas à caractériser une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°10-28751

Commentaire de LégiSocial

Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions importantes encadrant le licenciement pour faute grave.

Définition générale

Le licenciement pour faute grave appartient à la catégorie des licenciements disciplinaires. 

Il n’existe pas de définition « légale », mais la jurisprudence retient quelques notions fondamentales : 

  • La faute grave correspond à des faits imputables au salarié qui constitue une violation du contrat de travail ;
  • La faute grave ne permet pas le maintien du salarié sur son lieu de travail (le licenciement est alors prononcé sans préavis).
 

Quelques exemples de fautes graves reconnues par la Cour de cassation

Situations concernées

Références

Licenciement pour avoir donné des codes informatiques à une personne non habilitée

Arrêt du 5/07/2011 pourvoi : 10-14685

Licenciement pour avoir passé une bonne partie de son temps de travail sur des sites de charme.

Arrêt du  21/09/2011 pourvoi: 10-14869

Licenciement d’une salariée engagée en qualité d’agent de service hospitalier dans une clinique et qui prononce des insultes à des malades.

Arrêt du  21/06/2011 pourvoi 10-30239

Licenciement pour avoir tenté de gifler son patron.

Arrêt du  21/09/2011 pourvoi 10-14179

Licenciement d’un salarié (et de sa compagne) pour avoir adressé un mail à son épouse contenant des propos injurieux vis-à-vis de sa hiérarchie.

Arrêt du  26/01/2011 pourvoi 09-72449

Licenciement pour avoir laissé échapper son chien sur le parking de l’entreprise, l’animal ayant mordu une salariée présente.

Arrêt du  4/10/2011 pourvoi 10-18862

Licenciement pour avoir utilisé le téléphone de l’entreprise à des fins personnelles de façon excessive.

Arrêt du  22/09/2011 pourvoi 09-72876

Quelques exemples de fautes graves non reconnues

Pour les cas suivants, les juges de la Cour de cassation ne reconnaissent pas la faute grave motivant le licenciement : 

Situations concernées

Références

Licenciement pour une clause d’exclusivité non respectée (le salarié exerçait une activité professionnelle n’ayant pas le caractère de concurrentiel).

 (seule la cause réelle et sérieuse est retenue)

Arrêt du  4/05/2011 Pourvoi 09-71566

Licenciement suite à un vol portant sur un objet de faible valeur alors que le salarié justifie d’une ancienneté importante (10 ans).

Arrêt du 6/04/2011 Pourvoi 10-15286

Licenciement pour des propos injurieux de son épouse (elle-même salariée de l’entreprise) et pour ne pas s’être interposé.

(licenciement annulé)

Arrêt du  30/06/2010 Pourvoi 08-41.936

Licenciement pour imitation de signatures sur des feuilles de présence, la salariée indiquant qu’il s’agissait d’une pratique « habituelle » et qu’elle l’avait fait avec l’accord des personnes présentes.

Arrêt du  5/07/2011 Pourvoi : 10-15058

Retour vers l’affaire présente

Sans préjuger de la position de la Cour de cassation, gageons que le licenciement pour faute grave aurait été reconnu si :

  • Le salarié avait été averti au préalable ;
  • Avait persisté dans ses retards.