Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de cadre technique le 2 novembre 2006 par une entreprise spécialisé dans la fabrique du pain précuit.
Son contrat de travail contient une clause de non-concurrence d’une durée d’un an couvrant le territoire national et prévoyant le versement d’une indemnité pendant la durée de l’interdiction.
Cette clause prévoyait en outre, en cas de violation par le salarié de cette clause, le versement d’une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires encaissés pendant les 12 mois précédant la fin du contrat.
Le salarié démission le 31 mars 2010, il est engagé le 1er avril 2010 par une autre société, spécialisée dans la fabrication de brioches.
Le précédent employeur demande en référé le paiement d’une provision au titre de la clause pénale sanctionnant la violation de la clause de non-concurrence.
Le salarié conteste au motif que la clause de non-concurrence portait sur une activité de boulangerie industrielle, ne lui interdisant pas selon lui d’exercer, sans violer la clause de non-concurrence, au sein d’une société spécialisée dans la fabrication de brioches.
La cour d’appel et par la suite la Cour de cassation déboutent le salarié, considérant qu’il y a eu violation de la clause de non-concurrence et que l’employeur pouvait de ce fait obtenir réparation en conséquence.
Extrait de l’arrêt
Mais attendu qu'après avoir constaté que les fonctions du salarié au service de son ancien employeur, qui, ne se limitant pas à la maintenance d'installations de lignes de production mais s'étendant à la mise en oeuvre et au développement de telles installations, lui permettaient de connaître des procédés de fabrication et de production essentiels, la cour d'appel a relevé que ces fonctions n'étaient pas exclusivement réservées à la boulangerie industrielle, de sorte qu'il pouvait travailler dans d'autres secteurs ; qu'elle a pu ainsi, sans excéder ses pouvoirs, retenir que la validité de la clause de non-concurrence, laquelle répondait à la protection indispensable des intérêts de l'entreprise, était limitée dans le temps et l'espace, et constituait une atteinte proportionnée à la liberté de travailler du salarié, ne se heurtait à aucune contestation sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de cette affaire pour rappeler quelques principes importants entourant la clause de non-concurrence.
Principe et objectif
La clause de non-concurrence a pour but d'interdire au salarié, après la rupture de son contrat, l'exercice d'une activité qui porterait préjudice à son ancien employeur.
Conditions de validité ?
Dans le contrat de travail
Elle doit être insérée clairement dans le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
Respect de la convention collective
Elle doit respecter les dispositions conventionnelles si celles-ci sont plus favorables.
La clause de non-concurrence doit respecter très exactement les conditions de fond et de forme éventuellement prévues par la convention collective. Une clause de non-concurrence non conforme aux dispositions de la convention collective n'est pas nulle pour autant : elle doit être rapportée aux conditions conventionnelles prévues.
Cour de cassation du 2/12/1998.
Lorsqu'une convention collective stipule que l'employeur à la possibilité de convenir d'une clause de non-concurrence avec certains salariés, il lui est alors impossible de conclure une telle clause avec d'autres salariés que ceux visés par la convention collective.
Cour de cassation du 12/11/1997
Dans l’intérêt de l’entreprise
Elle doit nécessairement être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi.
Cour de cassation du 2/12/1997
Elle doit être limitée
- Dans le temps
Une clause comportant une durée illimitée n’est pas valable.
Les conventions collectives peuvent parfois encadrer la durée pendant laquelle peut s’exercer la clause.
Si ce n’est pas le cas, les juges apprécieront la durée insérée avec les intérêts de l’entreprise.
- Dans l'espace
La limitation de la zone de non-concurrence varie selon que la clientèle est « locale » ou « mondialisée ».
Dans tous les cas de figure, cette délimitation géographique doit être précise et ne pas empêcher encore une fois le salarié de retrouver un emploi.
- Dans l'objet (nature des activités interdites)
La clause doit préciser la nature des activités concernées
Signalons que la jurisprudence n'exige pas que la clause obéisse cumulativement à ces trois conditions (temps, espace et objet), l'une ou l'autre de ces limitations, temps ou espace, peut suffire si le salarié conserve la possibilité de poursuivre " son " activité professionnelle.
- Elle doit comporter une contrepartie financière
Si la clause ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, elle est considérée comme nulle.
Petite particularité, une clause ne prévoyant aucune contrepartie financière MAIS renvoyant vers la contrepartie financière prévue par la convention collective est acceptable, le renvoi vers l’article de la convention collective est alors nécessaire.
Dans l’affaire présente la contrepartie financière était fixée comme suit :
Extrait de l’arrêt
(…) que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence d'une durée d'un an couvrant le territoire national et prévoyant le versement par l'employeur pendant la durée de l'interdiction d'une indemnité mensuelle au moins égale à quatre dixièmes de la moyenne mensuelle du traitement au cours des trois derniers mois de présence dans l'entreprise (…)
Et si le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence ?
C’est le cas dans la présente affaire, l’employeur réclamant le paiement de l’indemnité forfaitaire (avec raison selon la Cour de cassation) en cas de violation.
L’indemnité forfaitaire correspondant l’affaire présente au montant des salaires encaissés pendant les 12 mois précédant la fin du contrat, ce qui n’est à notre sens pas négligeable et devrait inciter les salariés à respecter leurs engagements contractuels.
Extrait de l’arrêt
(…) et, en cas de violation par le salarié de cette clause, le versement par celui-ci d'une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires encaissés pendant les douze mois précédant la fin du contrat(…)