Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un chauffeur poids lourds engagé le 13 mai 2001 par une société de transports.
Contestant l'opposabilité d'un accord d'entreprise du 25 août 2003 relatif à l'annualisation du temps de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et des repos compensateurs.
Cet accord d’entreprise prévoyant que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires est fixé au-delà de la 1.965ème heure pour les grands routiers et au-delà de la 1.782ème heure pour les autres personnels roulants.
L’employeur, de son côté, argumente en rappelant que l’entreprise bénéficie du régime d’heures d’équivalence, lui permettant donc de recalculer le seuil légal fixé à 1.607 heures pour le porter aux seuils précités.
La cour d’appel et la Cour de cassation sont d’accord pour donner raison au salarié.
Nonobstant le fait que l’entreprise se situait dans le cadre d’un régime d’heures d’équivalence, le seuil au-delà duquel se déclenche le calcul des heures supplémentaires reste fixé à son niveau légal, soit 1.607 heures.
Le salarié pouvait donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
Extrait de l’arrêt
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'accord d'entreprise du 25 août 2003 fixait le seuil de déclenchement des heures supplémentaires au-delà de la 1965e heure pour les grands routiers et de la 1 782e heure pour les autres personnels roulants, en a exactement déduit, d'une part, qu'il était inopposable au salarié en ce qu'il ne pouvait augmenter le plafonnement annuel au-delà de 1 607 heures fût-ce par le biais d'heures d'équivalence, d'autre part, que les heures effectuées par celui-ci au-delà de la 1 607e heure annuelle devaient être qualifiées d'heures supplémentaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
C’est à notre avis un arrêt extrêmement important que vient de rendre la Cour de cassation dans la présente affaire, qui devrait inciter les employeurs à agir avec prudence dans la rédaction des accords d’entreprise.
Notion de base
En principe, la durée du travail s’entend du travail effectif du salarié.
Toutefois, pour les professions où il existe des « temps morts » pendant lesquels les travailleurs, quoique présents, ne fournissent aucun travail effectif, le législateur a institué une durée équivalente à la durée légale comprenant du travail effectif et les temps d’inaction.
Article L3121-9
Une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat.
Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs de travail.
Mise en place par contrat de travail
La Cour de cassation s’est prononcée sur le sujet et a confirmé que seuls les emplois ou les professions prévus par décret pouvaient permettre la mise en place d’un régime d’heures d’équivalence.
Arrêt de la Cour de cassation du 14/11/1990
Uniquement pour certains salariés
L'équivalence doit être appliquée aux seuls salariés dont l'emploi comporte des périodes d'inaction.
Le cas échéant, il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.
Exemple :
- Dans un secteur permettant le régime d’heures d’équivalence, les salariés effectuant des tâches administratives (comme les comptables, secrétaires, gestionnaires de paie) ne peuvent être soumis au régime d’heure d’équivalence.
Calcul des heures supplémentaires
Seules les heures effectuées au-delà de la durée considérée comme équivalente seront réputées être des heures supplémentaires.
- Exemple : Salarié soumis à un régime d’équivalence selon lequel 38 heures de présence sont rémunérées sur la base de 35 heures.
Les heures accomplies au-delà de la 38ème heure et jusqu’à la 46ème par semaine donneront lieu à une majoration de salaire de 25%.
Les heures accomplies au-delà de la 46ème heure par semaine donneront lieu à une majoration de salaire de 50 %.
L’affaire présente nous permet d’indiquer que toutes les heures effectuées au-delà de la durée légale annuelle (1.607 heures) sont réputées être des heures supplémentaires.
Paiement des heures d’équivalence
Comme l’indique le Code du travail, les heures d’équivalence (donc celles qui sont au-delà de la durée légale et dans la limite du seuil d’équivalence) sont rémunérées conformément aux :
- Usages ;
- Conventions ;
- Accords collectifs.
Article L3121-9
Une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat.
Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs de travail.
Rappel à l’ordre de la Cour Européenne
Attention: dans un arrêt du 1er décembre 2005 la cour européenne de justice vient de condamner la France en précisant que toutes les heures dîtes d'équivalence entrent dans le temps de travail effectif qui ne doit pas en Europe dépasser 48 heures par semaine.
Par contre la rémunération de ces heures n'est pas affectée par cette décision.
Interdiction formelle pour les temps partiel
La Cour de cassation dans un de ces arrêts confirme que le régime d’heures d’équivalence ne s’applique en aucun cas aux salariés à temps partiel ou incomplet.
Arrêt de la Cour de cassation du 11/02/1985, Bull V n° 96 p 69