Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 1er décembre 1981 en qualité d’éducatrice spécialisée.
En dernier lieu, elle occupait les fonctions de chef du service éducatif.
Elle est licenciée par lettre du 28 décembre 2007 pour une cause réelle et sérieuse.
Par deux fois, l’employeur avait constaté l’état d’ébriété de la salariée, confirmé à chaque fois par un contrôle éthylotest.
C’est en conformité avec le règlement intérieur en vigueur dans l’entreprise, que la salariée est licenciée.
Mais la salariée saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de dommages-intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l’appui de sa demande, la salariée reprend l’article 16 du règlement intérieur stipulant qu’en cas d’alcootest positif, le salarié est convoqué à un entretien.
Extrait de l’arrêt
« le salarié sera convoqué à un entretien le lendemain ou le jour de la reprise pour analyser et comprendre la situation »
La salariée considère que cette formalité est une « garantie de fond », ce qui sous entend que le non-respect de celle-ci entraîne la remise en cause du licenciement.
De son côté, l’employeur argument en précisant que si aucun rendez-vous n’a été pris, c’est pour la bonne et simple raison que la salariée se trouvait à chaque fois en arrêt maladie.
Finalement, la cour d’appel et la Cour de cassation déboutent la salariée de sa demande considérant que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt
Mais attendu que la cour d'appel a retenu qu'en tout état de cause l'état d'ébriété de la salariée était établi par d'autres éléments que le contrôle d'alcoolémie pratiqué à la demande de l'employeur et que celle-ci avait été placée en arrêt pour maladie dès la survenance des faits ce qui avait rendu impossible sa convocation à un entretien dès le jour de la reprise tel que prévu par les dispositions du règlement intérieur ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Cette affaire nous permet de rappeler la situation actuelle concernant la consommation d’alcool sur le lieu de travail.
La consommation d’alcool selon le code du travail
A en croire le code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail.
Nota : le poiré est une boisson obtenue par fermentation du jus de poires
Article R4228-20
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.
Ainsi selon le code du travail, on serait tenté de considérer que les salariés sont théoriquement en droit de consommer certaines boissons alcoolisées sur leur lieu de travail.
Arrêt du Conseil d’État
Un arrêt récent du Conseil d’État permet de préciser le cas particulier de la consommation d’alcool sur le lieu de travail.
Conseil d'État N° 349365 lecture du lundi 12 novembre 2012
Arrêt n° 09LY01581 - 09LY01608 du 8 mars 2011 cour administrative d'appel de Lyon.
Une clause plus restrictive que le Code du travail
Le Conseil d’État admet qu’un employeur puisse insérer dans un règlement intérieur, des dispositions limitant de façon plus restrictive que ce qui est prévu légalement, la consommation d’alcool sur le lieu de travail.
Cela doit toutefois être fait sous réserve que l’employeur soit capable de justifier d’un impératif de sécurité et de rester dans des dispositions proportionnées.
Une clause interdisant totalement la consommation
L’interdiction totale de consommation ne peut être envisagée qu’à titre exceptionnel, et sous réserve que l’employeur justifie d’éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque.
Extrait arrêt Conseil d'État N° 349365 lecture du lundi 12 novembre 2012
(…) n'étaient pas fondées sur des éléments caractérisant l'existence d'une situation particulière de danger ou de risque, et excédaient, par suite, par leur caractère général et absolu, les sujétions que l'employeur peut légalement imposer,
Les situations pour lesquelles l’interdiction totale de consommation pourrait être envisagée pourraient être selon nous les suivantes :
- Le personnel en charge de la sécurité des personnes, des biens ou des locaux ;
- Les salariés conduisant des véhicules ;
- Le personnel travaillant dans un cadre où se trouvent des installations dangereuses (centrale nucléaire, etc.).
Le Conseil d’État admet cette interdiction totale, à titre exceptionnel, tout en rappelant qu’il appartient à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé des travailleurs dans l’entreprise, conformément à l’article L 4121-1 du Code du travail.
Article L4121-1
Modifié par LOI n°2010-1330 du 9 novembre 2010 - art. 61
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes
Vous pouvez retrouver l’affaire abordée par le Conseil d’État et objet d’une actualité, en cliquant ici.
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