Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 21 avril 1989 par un grand fabricant de véhicules automobiles.
A compter du 1er septembre 2001, il est détaché en Australie pour y exercer les fonctions de délégué régional Pacifique.
Prévu pour une durée initiale de 3 ans, le détachement est prorogé pour une année.
Le 20 septembre 2006, son employeur lui notifie son affectation en qualité de responsable développement commercial VU/VO, au sein de la direction des affaires internationales à Paris, à compter du 16 octobre 2006.
Estimant que cette affectation s'analysait en une rétrogradation, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre en date du 3 octobre 2006.
Il est finalement licencié, le 22 novembre 2006, pour faute grave au motif d'une absence à son poste depuis le 16 octobre 2006.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail, notamment le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés reportés d’une période de référence sur l’année de référence suivante.
A l’appui de sa demande, le salarié produit des fiches individuelles de congés, établies par l'employeur, sur lesquelles figurent à la fois le cumul de jours de congés payés sur plusieurs années et le solde des jours restant dus.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.
Selon les juges, seule une autorisation expresse de sa hiérarchie permettant le report des congés payés, ouvrait droit alors au paiement d’une indemnité compensatrice.
Les pièces produites par le salarié ne permettaient pas de prouver que le report des congés payés avait expressément été autorisé par l’employeur.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu, qu'ayant retenu que le salarié ne justifiait pas d'une autorisation expresse de sa hiérarchie pour reporter ses congés, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement les pièces et éléments produits devant elle , a pu en déduire qu'il n'était pas fondé à solliciter une indemnité compensatrice de congés payés non pris ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant l’indemnité compensatrice de congés payés.
Principes de base
Lorsque l’on parle d’indemnité compensatrice dans le domaine de la paie, on évoque le cas d’un droit acquis MAIS non utilisé.
On évoque ainsi de :
- L’indemnité compensatrice de congés payés pour des congés acquis mais non utilisés ;
- L’indemnité compensatrice de préavis, pour un préavis auquel le salarié a droit mais dont l’employeur l’en dispense.
A la différence de l’indemnité de congés payés, l’indemnité compensatrice doit être versée en cas :
- De rupture de contrat de travail (elle fait partie du STC Solde de Tout Compte) ;
- De fin de contrat (pour les salariés CDD par exemple), (elle fait partie du STC Solde de Tout Compte) ;
- Pour impossibilité de prendre des congés payés reportés (du fait de l’employeur).
Tout comme pour l’indemnité de congés payés, l’indemnité compensatrice doit être calculée selon les 2 méthodes connues :
- Au 1/10ème ;
- Selon la méthode du salaire habituel (le terme maintien serait impropre, car aucune absence n’est décomptée).
Congés payés non utilisés pour cause de maladie + report refusé par l’employeur = l’indemnité compensatrice est due !
L’affaire concerne un salarié qui en raison d’un arrêt de maladie se trouve dans l’impossibilité de prendre ses congés payés à la période prévue initialement par l’employeur (août 2008).
Il demande à son employeur un report de ses jours acquis mais non utilisés.
Ce que l’employeur refuse par courrier du 1/11/2008, en lui indiquant que les jours de payés acquis mais non utilisés avant la date limite sont perdus.
Le salarié conteste cette décision et saisit la juridiction prud’homale en vue d’obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
La Cour d’appel donne droit au salarié, estimant qu’une indemnité compensatrice de congés payés devait être payée par l’employeur.
Ce dernier insiste et décide de se pourvoir en cassation.
Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la Cour d’appel et rejettent le pourvoi de l’employeur.
Extrait de l’arrêt :
Et attendu que la cour d'appel , qui a constaté que le salarié avait été empêché de prendre ses congés payés au cours de la période prévue en raison d'absences liées à la maladie et que l'employeur s'était opposé à leur report sur une autre période, a décidé à bon droit que l'indemnité de congés payés afférente était due ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;Cour de cassation 22/09/2011 Pourvoi 09-72876
Prendre en compte les congés payés utilisés
Bien entendu, lorsque l’employeur verse l’indemnité compensatrice de congés payés pour le droit acquis sur la période de référence 01er juin N-31 mai N+1, il devra vérifier si des congés payés n’ont pas été utilisés (et payés) avant la rupture du contrat de travail.
Il s’agit bien du solde des congés payés, et en aucun cas de la valeur du droit global, qui est à verser au salarié au titre de l’indemnité compensatrice.
Les cas où elle n’est pas due
Congés reportés par le salarié
Le salarié a reporté volontairement ses congés payés au-delà de la période légale (30 avril 2013 pour une période de référence qui démarre le 01er juin 2011).
L’employeur n’est pas dans l’obligation de lui verser sous forme d’indemnité compensatrice le solde des congés payés non utilisés qui se trouvent « périmés » si vous permettez l’image.
Le salarié travaille pendant les congés payés
La Cour de cassation s’est prononcée à ce sujet et les juges considèrent que le salarié qui travaille pendant la période de congés payés n’est pas en mesure de contraindre son employeur à lui régler sous forme d’indemnité compensatrice les congés payés non utilisés.
Cour de cassation du 04/04/1990 arrêt 87-43703 D
Bien entendu, il ne faut pas confondre avec la situation dans laquelle c’est l’employeur qui contraint son salarié à travailler pendant la période prévue de congés payés !
Licenciement pour faute lourde
Dans le cas d’un licenciement pour faute lourde, seuls les congés payés en cours d’acquisition sont perdus.
Petit exemple : Un salarié est licencié en septembre 2010.
Il a acquis des congés payés pendant la période de référence [1er juin 2009-31 mai 2010], cette période est nommée N-1, elle est clôturée et les congés payés acquis doivent être payés sous forme d’indemnité compensatrice (pour les congés acquis et non encore utilisés).
Il a acquis des congés payés pour la période qui a démarré le 1er juin 2010, cette période est en cours, tous les congés acquis pour cette période nommée N seront perdus du fait de la faute lourde commise par le salarié licencié.