Contexte de l'affaire
Cette affaire concerne un salarié engagé le 26 juin 1995 par une enseigne de la grande distribution, en qualité d' extra vendeur ".
Un avenant à son contrat de travail stipulait une clause de mobilité :
Extrait de l’arrêt :
" le contrat sera exécuté principalement à …..45 59410 Petite-Forêt et sur les différents sites (de la société Y ). Toutefois il est bien entendu que pour des raisons touchant à l'organisation et au bon fonctionnement de l'entreprise, nous pouvons être amenés à modifier votre lieu de travail "
Le salarié est licencié le 9 juin 2008 pour refus de mobilité.
Il saisit la juridiction prud'homale, estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison d’une clause de mobilité imprécise.
La cour d’appel, puis la Cour de cassation donnent raison au salarié, estimant toutes les deux que la clause de mobilité était imprécise, et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la clause de mobilité est valable dès lors qu'elle donne de sa zone géographique d'application une définition qui la rend déterminable pour le salarié ; que répond à cette exigence, la clause de mobilité qui prévoit que la zone géographique d'application est limitée aux sites sur lesquels la société est implantée ; que la cour d'appel, après avoir constaté que le contrat contenait une clause de mobilité ainsi libellée (…) a relevé que cette clause ne définissait pas de façon précise sa zone géographique d'application et l'a annulée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'avenant au contrat de travail stipulait une clause de mobilité selon laquelle (…) en a exactement déduit que la dite clause ne définissait pas de façon précise sa zone géographique d'application de sorte qu'elle était nulle et de nul effet ; que le moyen n'est pas fondé ;
Commentaire de LégiSocial
Un contrat de travail peut contenir un nombre illimité de clauses, notamment une clause de mobilité dont nous rappelons ci-après le principe et les conditions de validité.
Principe et objectif
Cette clause permet à l’employeur de se réserver la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié et cela sans son accord.
- La mutation du salarié = modification des modalités d’exécution du contrat de travail ;
- Le refus du salarié= sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave.
Conditions de validité ?
On peut dénombrer 7 conditions de validité à respecter :
Sur le contrat de travail :
Elle doit être expressément indiquée sur le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
La zone géographique précise : (condition de validité objet de la présente affaire)
La clause doit préciser la zone géographique de mobilité en sachant qu’aucune disposition légale ne limite la distance ou l’éloignement qui peut être imposé au salarié.
Le salarié peut donc voir sa clause de mobilité porter sur un département, une région, toute la France, et pourquoi pas sur plusieurs pays.
Le respect de la convention collective :
Avant d’insérer une telle clause dans un contrat de travail, l’employeur doit veiller au respect des procédures prévues par la convention collective dont il dépend.
Changement unilatéral impossible :
L’employeur ne peut sans l’accord du salarié modifier la zone géographique concernée par la clause.
Cette modification unilatérale serait alors interprétée comme la modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, qui pourrait conduire par exemple à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
Rupture automatique du contrat :
L’employeur ne peut en aucun cas prévoir la rupture automatique du contrat en cas de refus du salarié de se soumettre à cette clause de son contrat de travail.
Cour de cassation 19/05/2004 n° 02-43252 D
Clause conforme aux intérêts légitimes de l’entreprise :
Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et être proportionnée au but recherché et aux activités du salarié.
Dans le cas contraire, le salarié serait en droit de refuser la mutation.
Son refus ne pourrait en aucun cas être considéré comme un motif permettant un licenciement.
Un délai de prévenance doit être respecté.
Si la convention collective en prévoit un bien entendu, sachant qu’il n’existe pas de délai minimum légal.
La clause de mobilité ne doit pas être confondue avec la clause prévoyant des déplacements professionnels.
Ainsi, la clause prévoyant la réalisation du travail dans un lieu différent du lieu d’affectation en fonction des nécessités de l’entreprise ne doit pas être assimilée à une clause de mobilité.
Cour de cassation du 27/05/1998 n° 96-40.929P