Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de livreur vendeur à compter du 7 juin 2007.
Licencié pour faute grave par lettre du 28 janvier 2010, le salarié soutient l’avoir été de façon verbale le 24 décembre 2009.
A cet effet, le salarié produit au juge une retranscription faite par un huissier de justice, des messages vocaux laissés par son employeur sur son répondeur téléphonique.
Dans ces derniers était évoqué un « congédiement verbal ».
Pour l’employeur la retranscription de ces messages vocaux constitue un procédé déloyal rendant irrecevable la preuve obtenue par ce biais.
La cour d’appel donne raison au salarié.
Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la cour d’appel, considérant que les messages vocaux laissés sur un répondeur, dans lesquels un congédiement verbal est envisagé, constituent la preuve permettant de considérer qu’un licenciement verbal avait été prononcé.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, ensuite, que c'est par une interprétation exclusive de dénaturation des retranscriptions des messages vocaux laissés par l'employeur sur le téléphone mobile du salarié que la cour d'appel a retenu, appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, qu'il était établi que le salarié avait été licencié verbalement le 24 décembre 2009 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Commentaire de LégiSocial
C’est à notre avis, la première fois que la Cour de cassation se penche sur des messages vocaux tendant à prouver qu’un licenciement verbal a eu lieu ou pas.
Il est bon, selon nous, d’apporter toutefois des précisions importantes à ce sujet.
Messages vocaux sur un répondeur ≠ conversations téléphoniques privées
Dans la présente affaire, l’employeur s’était placé sur le terrain de « l’irrecevabilité de la preuve ».
On rappellera à ce propos une jurisprudence de 2004 et une autre de 2008, affaires dans lesquelles des conversations téléphoniques privées avaient été enregistrées à l’insu de son auteur.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue,
Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 7 octobre 2004 N° de pourvoi: 03-12653
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant retenu qu'il n'est pas contesté que l'enregistrement d'une conversation téléphonique a été effectué par Mme X... à l'insu de son correspondant, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant tiré de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, en a déduit à bon droit que ce procédé était déloyal et qu'il rendait la preuve ainsi obtenue irrecevable en justice ;
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 29 janvier 2008 N° de pourvoi: 06-45814
Mais la Cour de cassation considère qu’il en est autrement lorsque des messages sont déposés sur un répondeur.
L’auteur du coup de fil ne pouvant alors ignorer que ces propos sont obligatoirement enregistrés et stockés sur le répondeur téléphonique !
Extrait de l’arrêt du 6/02/2013 :
Mais attendu, d'abord, que si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ;
Messages vocaux sur un répondeur : autres conséquences
Par extension du présent arrêt, on pourrait aussi en conclure que des messages laissés par un salarié sur le répondeur de l’employeur pourraient être également utilisés.
Imaginons le cas d’un salarié qui laisserait des messages tendant à insulter sa hiérarchie ou dénigrer son entreprise, ils pourraient alors être utilisés afin de prononcer une sanction vis-à-vis du salarié !
Les effets de la jurisprudence « SMS » ?
Dans un arrêt du 23 mai 2007, la Cour de cassation reconnait un cas de harcèlement.
Les juges considérant dans cette affaire, que les messages SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par le téléphone de la personne qui les reçoit, sont recevables comme moyen de preuve.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits S. M. S., dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 mai 2007 N° de pourvoi: 06-43209
L’arrêt du 6 février 2013 peut être, à juste titre selon nous, considéré comme une transposition de l’arrêt du 23 mai 2007.
Les effets du licenciement oral
Comme tout licenciement reconnu « oral » ou « verbal », on doit alors considérer que le licenciement est prononcé sans cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences qui en découlent.