Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un salarié, engagé le 23 août 2004 en qualité de responsable d'exploitation.
Il fait l’objet d'une mesure de mise à pied disciplinaire de 3 jours, notifiée par lettre du 5 novembre 2007.
Il est licencié pour faute grave, le 5 décembre 2007.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
A l’appui de sa demande, le fait que le licenciement du 5 décembre 2007 porte sur des faits survenus le 7 novembre 2007, date à laquelle il indique ne pas avoir reçu la notification de la première sanction (sa mise à pied disciplinaire).
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Difficile selon les juges de reprocher à un salarié d’avoir persisté dans un comportement fautif déjà sanctionné par une mise à pied, quand le salarié n’est pas encore en possession de la lettre recommandée.
Signalons que l’employeur n’était pas en mesure de fournir l’accusé de réception de la lettre recommandée notifiant la mise à pied du salarié.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer diverses sommes au salarié, l'arrêt retient qu'il est reproché à celui-ci d'avoir persisté dans la mauvaise gestion de la location des matériels, que l'intéressé avait déclaré, le 7 novembre 2007, ne pouvoir satisfaire la demande d'un client, alors qu'à l'initiative d'un autre employé le matériel s'est avéré immédiatement disponible, qu'il n'est pas démontré qu'à la date du 7 novembre, l'intéressé avait reçu notification de la mise à pied de sorte qu'il n'est pas établi qu'il avait réitéré un comportement fautif déjà sanctionné ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, se référant de son côté à la date d’envoi de la lettre recommandée, soit le 5 novembre 2007.
Les faits qui se sont produits le 7 novembre 2007, étaient bien de nature à prouver que le salarié persistait dans un comportement fautif déjà sanctionné, permettant ainsi son licenciement pour faute grave.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la lettre notifiant la mise à pied avait été envoyée le 5 novembre 2007, en sorte que l'employeur pouvait prononcer par la suite une nouvelle sanction pour des faits fautifs survenus après cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annuler la mise à pied disciplinaire du 5 novembre 2007 et a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des journées de la mise à pied disciplinaire des 20, 21 et 22 novembre 2007, l'arrêt rendu le 29 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier
Commentaire de LégiSocial
Persistance d’un comportement fautif
Ce n’est pas la première fois que les juges de la Cour de cassation considèrent licite le licenciement d’un salarié qui persiste dans des faits fautifs, y compris lorsque ces derniers ont déjà fait l’objet de sanctions.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les faits énoncés dans la lettre de licenciement étaient établis et qui a fait ressortir que les manquements antérieurs du salarié étaient de même nature, a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la persistance de l'intéressé, seul chef d'équipe de l'entreprise, dans le même comportement fautif rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 janvier 2011 N° de pourvoi: 09-42387
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 30 septembre 2004 N° de pourvoi: 02-44030
Réitérations des faits fautifs
L’arrêt de la Cour de cassation est important à ce sujet, car le « point de départ » est constitué par la date d’envoi de la lettre notifiant la sanction.
On remarquera qu’il en est de même en matière de licenciement, la notification du licenciement correspond en effet à la date d’envoi de la dite lettre.
C’est à cette date que l’employeur doit évaluer l’ouverture (ou non) du droit à l’indemnité de licenciement selon son ancienneté ainsi que le droit éventuel à un préavis.
Prescription des sanctions
Il conviendra toutefois de veiller à ne pas prononcer une nouvelle sanction en rappelant des sanctions antérieures au-delà d’un délai de 3 ans.
Article L1332-5
Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.