Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'ouvrier agricole, le 1er avril 1982.
Victime d'un accident du travail le 30 mars 2006, il est licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 9 novembre 2006.
Il saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice au titre de jours de congés payés qu’il estime avoir acquis pendant ses arrêts de maladie, soit au titre de la période juillet à décembre 2006.
Dans son argumentation, le salarié se réfère à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.
La cour d’appel déboute le salarié de sa demande, rappelant que la période d’arrêt de travail pour maladie ne permet pas au salarié d’acquérir des jours de congés payés.
Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la cour d’appel et rejettent le pourvoi.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de congés payés pour la période du 12 juillet 2006 à décembre 2006, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 7 § 1 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il est institué, en matière de droit au congé annuel, un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive elle-même ; que les Etats membres, qui peuvent définir dans leur réglementation interne les conditions d'exercice et de mise en oeuvre du droit au congés annuel payé, ne peuvent toutefois subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même de ce droit qui résulte directement de la directive ;que, pour confirmer le jugement qui a accueilli la demande de M. X... pour les congés payés correspondant à la période de suspension pour accident du travail du 30 mars 2006 au 12 juillet 2006 et rejeter la demande en paiement de ses congés payés sur la période d'avril 2006 à décembre 2006, en considérant que l'article L. 3141-5 du code du travail refuse d'assimiler à un temps de travail effectif la période de suspension pour maladie non professionnelle, la cour d'appel a subordonné à la condition d'une assimilation possible à un temps de travail effectif la constitution même du droit au congé payé en cas de maladie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 7 §1 de la de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
Mais attendu que la directive n°2003/88/CE ne pouvant permettre, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire, la cour d'appel a retenu à bon droit, au regard de l'article L. 3141-3 du code du travail, que le salarié ne pouvait prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre d'une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l'article L. 3141-5 du code du travail ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’arrêt présent pour rappeler à toutes fins utiles, les périodes permettant l’acquisition de jours de congés payés pendant la suspension du contrat de travail et ceux ne le permettant pas.
Les périodes assimilées à du temps de travail effectif
Les périodes considérées comme étant du travail effectif et qui permettent l’acquisition de jours de congés payés sont les suivantes (sauf dispositions conventionnelles plus favorables) :
Accident du travail et maladie professionnelle dans la limite d’un an | Congés évènements familiaux (naissance, mariage, décès) | Chômage partiel en cas de réduction d’horaires. | Congés payés utilisés |
Absences pour visites médicales et examens médicaux salariées enceintes. | Temps de repos acquis dans le cadre des heures supplémentaires (COR, RCE, RTT) | Heures de délégation des représentants du personnel | |
Congés de maternité, paternité et adoption | Préavis non effectué (à la demande de l’employeur) | Jours d’examen (2 ans de présence dont 1 dans l’entreprise + obtention d’un diplôme) | Heures de jours fériés (pratique courante des entreprises) |
Maintien ou rappel sous les drapeaux. | Périodes de chômage partiel classique ou d’APLD (dispositions dérogatoires actuelles) | Travail effectif correspondant à du travail réellement réalisé. | |
Arrêt de travail consécutif à un accident de trajet (arrêt de la Cour de cassation du 3/07/2012, pourvoi 08-44834 et arrêt de la CJUE du 24 janvier 2012,affaire C 282/10) |
Les périodes assimilées à du temps de travail effectif
Les périodes suivantes ne peuvent (sauf dispositions conventionnelles plus favorables) être considérées comme étant du travail effectif permettant l’acquisition de jours de congés payés :
Arrêts de travail consécutifs à un accident du travail ou une maladie professionnelle (pour la période qui excède 1 an) | Cures thermales | Temps passé pour enseignement ou recherche | Grève |
Congé parental d’éducation (à temps plein) | Maladie ordinaire | Mise à pied (conservatoire ou disciplinaire) | Lock-out (fermeture décidée par l’employeur de façon unilatérale) |
Participation à un jury d’assise | Congés pour création d’entreprise, sabbatique | Congé de présence parentale | Préavis non effectué à la demande du salarié. |
Ainsi que toutes les absences pour convenances personnelles |
La Cour de cassation française ne suit pas la CJUE
Un arrêt du 24/01/2012 avait laissé penser que la période d’arrêt de travail pour maladie pourrait être reconnue comme étant une période de travail effectif permettant l’acquisition de jours de congés payés.
Nous avons consacré une actualité à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Lire aussi : Le régime des congés payés français n'est pas conforme selon l'Union Européenne ! Actualité
Ce n’est pas la première que la CJUE montre du doigt le régime français des congés payés. L’affaire qui a été jugée récemment risque d’avoir des conséquences sur le Code ...
Concrètement la CJUE remarquait lors de cet arrêt, que le droit français n’était pas conforme au droit communautaire.
Les juges de la CJUE considéraient en effet qu’un salarié absent au titre de la maladie, accident du travail ou de trajet ne pouvait pas se trouver privé de jours de congés payés qui pourrait porter sa durée en deçà de 4 semaines.
Extrait de l’arrêt
À cet égard, il y a lieu de préciser que l’article 7 de la directive 2003/88 n’opère aucune distinction entre les travailleurs absents pendant la période de référence en vertu d’un congé de maladie et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période (voir point 20 du présent arrêt). Il s’ensuit que le droit au congé annuel payé d’un travailleur absent pour des raisons de santé pendant la période de référence ne peut pas être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir accompli un travail effectif pendant cette même période. Ainsi, selon l’article 7 de la directive 2003/88, tout travailleur, qu’il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecté son droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines.
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) du 24 janvier 2012 (affaire C 282/10)
Le présent arrêt confirme une position contraire de la Cour de cassation française: non la période correspondant à un arrêt de travail pour maladie ne permet pas légalement l’acquisition de congés payés !