La période d’essai ne peut pas être rompue en raison de la maladie

Jurisprudence
Période d’essai

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité de médecin par contrat à durée indéterminée du 5 mars 2007 prenant effet le 14 mai 2007.

Le contrat de travail est conclu avec une période d'essai de six mois, et prévoit qu’en cas de maladie pendant cette période, la durée de celle-ci serait prorogée d'autant.

Le salarié est en arrêt de travail pour maladie du 28 juin au 16 août 2007, sa période d'essai est prorogée jusqu'au 23 décembre 2007.

Il est de nouveau en arrêt de travail pour maladie du 27 août au 28 septembre 2007.

Finalement, le 19 septembre 2007, l'employeur lui notifie la rupture de la période d'essai.

Le salarié estimant cette rupture discriminatoire, et subsidiairement abusive, saisit la juridiction prud'homale. 

De son côté, l’employeur indique que la rupture de la période d’essai provient des absences du salarié qui ont pour effet de perturber le fonctionnement de l'entreprise.

Il estime donc que cette rupture est intervenue pour un motif totalement licite. 

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié. 

Dans son arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel.

Les juges rappellent l’objet de la période d’essai et le fait que sa rupture ne peut intervenir que pour un motif inhérent à la personne du salarié, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire présente. 

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu que la période d'essai étant destinée à permettre à l'employeur d'apprécier les qualités professionnelles du salarié, la cour d'appel, qui a retenu, sans inverser la charge de la preuve, et sans dénaturer les conclusions de l'employeur ni méconnaître les termes du litige, que la résiliation du contrat de travail était intervenue au cours de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié, a pu décider qu'elle était abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-24794

Commentaire de LégiSocial

Cette affaire nous permet de rappeler quelques notions importantes concernant la période d’essai. 

Utilité de la période d’essai

La période d’essai a une double fonction :

  • Pour l’employeur, c’est une période pendant laquelle il va tester les performances de son salarié ;
  • Pour le salarié, c’est une période pendant laquelle il va tester son poste de travail, l’entreprise et les conditions de travail.  

Article L1221-20 

Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)

La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Durée de la période d’essai depuis la loi LMMT

La loi LMMT du 25 juin 2008 fixe une période d’essai légale.

Elle concerne donc tous les salariés en CDI depuis le 27 juin 2008.

Elle dépend du statut du salarié et peut être renouvelée une fois seulement.

Les durées maximales sont : 

Catégories personnel 

Durée initiale maximum

Ouvrier et employé

2 mois

TAM

3 mois

Cadres

4 mois

  •  TAM= Techniciens Agents de Maîtrise 

Article L1221-19 

Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)

Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :

1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;

2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;

3° Pour les cadres, de quatre mois.

La période d’essai ne se présume pas, de ce fait l’employeur doit obligatoirement la faire figurer sur le contrat de travail.

Autrement, le salarié pourra considérer qu’il n’a pas de période d’essai, et que toute rupture par l’employeur s’analysera en un licenciement avec toutes ses conséquences. 

Le décompte de la période d’essai

Le décompte doit se faire en :

  • Jours calendaires si la période d’essai est exprimée en jours ;
  • En semaines civiles si la période d’essai est exprimée en semaines ;
  • En mois civils si la période d’essai est exprimée en mois. 

Un arrêt récent de la Cour de cassation (arrêt 28/04/2011, pourvois 09-40464 et 09-72165) précise que cette méthode calendaire s’applique automatiquement sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires.

« Sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d’essai, qu’elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois, se décompte de manière calendaire. » 

Le point de départ de la période d’essai est fixé au premier jour de la prise de fonction par le salarié. 

Exemple :

  • Période d’essai de 2 mois qui débute le 15/06/2009 se termine le 14/08/2009 à minuit.
  • Période d’essai de 45 jours qui débute le 01/07/2009 se termine le 15/08/2009 à minuit.

Lorsqu’une période expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié, elle n’est pas prolongée jusqu’au premier jour ouvrable suivant !!  

Renouvellement de la période d’essai 

Tout comme la période d’essai, le renouvellement de cette dernière ne se présume pas.

L’employeur qui souhaite renouveler une période d’essai doit avoir indiqué cette possibilité sur le contrat de travail, et l'accord du salarié doit avoir expressement été exprimé.

La période d’essai peut être renouvelée une fois et pourra alors atteindre les valeurs maximales suivantes : 

Catégories personnel

Durée initiale maximum

Durée maximum avec 1 renouvellement

Ouvrier et employé

2 mois

4 mois

TAM

3 mois

6 mois

Cadres

4 mois

8 mois

Article L1221-21 

Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)

La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;

2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

3° Huit mois pour les cadres.

Article L1221-23 

Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)

La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.  

Nota :

Le renouvellement de la période d’essai n’est possible que dans le cas où un accord de branche le prévoit.

Dans le cas inverse... 

Situation

Conclusion

L’accord de branche n’autorise pas le renouvellement d’une période d’essai

Le renouvellement est impossible, la LMMT soumet cette possibilité à l’existence d’un accord collectif de branche étendu.

De la même façon, si une convention collective ne prévoit pas le renouvellement de la période d’essai, la clause du contrat de travail prévoyant son renouvellement est alors nulle.

Cour de cassation 25/02/2009 pourvoi 70-40.155

Renouvellement de la période d’essai aussi par mail

En réponse à une question posée par un parlementaire, le Ministre du travail donne l’indication suivante : 

"Un message électronique est donc recevable au même titre qu'un courrier, dès lors que l'accord y est exprimé dans des termes clairs et non équivoques". 

Toutefois, le ministre du Travail prévient que cette disposition n’est pas applicable dans le cas particulier où la convention collective prévoirait des modalités spécifiques en matière de renouvellement de la période d’essai. 

Réponse publiée au JO de l'Assemblée nationale du 1er mars 2011

Suspension de la période d’essai 

En  cas de suspensions du contrat de travail, la période d’essai est suspendue.

On peut dire aussi qu’elle est prolongée d’autant.

Les cas concernés sont :

  • Arrêt de travail pour maladie ;
  • Arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
  • Congé sans solde ;
  • Congés payés ;
  • Congés pour évènements familiaux. 

Nota : les périodes de formation professionnelle organisée par l’entreprise ne permettent pas par contre de changer la date de fin prévue de la période d’essai.

Rupture de la période d’essai 

La rupture de la période d’essai peut intervenir sur l’initiative du salarié ou de l’employeur.

Cette rupture peut être prononcée sans avoir à alléguer de motif que ce soit l’employeur ou le salarié qui procède à cette rupture.

Cour de cassation du 25/03/1985 n° 83-44.938 

Lorsque l’employeur procède à la rupture de la période d’essai, celle-ci doit être en relation avec les performances du salarié, et en aucun cas influencée par un évènement extérieur (baisse d’activité, suppression du poste, etc.).

La rupture risquerait alors d’être considérée comme abusive, et entrainerait le versement de dommages et intérêts.

A titre de rappel, un récent arrêt de la Cour de cassation concernant la rupture de la période d’essai pour ...manque de neige !

Cour de cassation du 15/12/2010 pourvoi K 09-42.773 n° arrêt 2536 F-D 

La rupture de la période d’essai n’est soumise à aucun formalisme légal, mais certaines conventions collectives peuvent prévoir néanmoins l’information par lettre recommandée, et parfois l’obligation de motiver la rupture de la période d’essai. 

La rupture de la période d’essai n’entraîne le versement d’aucune indemnité (à part l’éventuelle indemnité compensatrice de congés payés si le temps de présence est suffisant).

Par contre, l’employeur doit remettre au salarié (quelle que soit la partie qui est à l’initiative de la rupture) tous les documents prévus dans le cas d’une rupture du contrat de travail à savoir :

  • Reçu pour solde de tout compte ;
  • Attestation Pôle emploi (en 2 exemplaires dont 1 pour le salarié) ;
  • Certificat de travail (avec mention droit au DIF éventuellement) ;
  • Dernier bulletin de salaire avec son paiement. 

Rupture de la période d’essai : formalisme obligatoire dans certains cas

Il existe des cas particuliers pour lesquels la rupture de la période d’essai doit obligatoirement obéir à un formalisme. 

1)   Rupture pour faute :

Dans ce cas, la rupture doit être précédée d’un entretien préalable. 

2)   Salarié protégé :

L’employeur doit demander l’autorisation à l’inspection du travail avant de rompre la période d’essai d’un salarié protégé. 

Rupture de la période d’essai : respect du délai de prévenance

La loi LMMT instaure un délai de prévenance à respecter par chaque partie concernée. 

Avant la loi, la période d’essai pouvait être rompue sans délai !

Depuis le 27 juin 2008, salariés et employeurs doivent respecter un certain délai, baptisé « délai de prévenance »

Les délais de prévenance dépendent du temps de présence du salarié dans l’entreprise 

Présence dans l’entreprise

Délai prévenance

Rupture de l’employeur

Rupture du salarié

7 jours maxi

24 heures

24 heures

8 jours à 1 mois

48 heures

48 heures

Après 1 mois

2 semaines

48 heures

Après 3 mois

1 mois

48 heures

Concernant ce délai de prévenance, le ministère du Travail apporte des précisions: 

  • Lorsque des délais de prévenance conventionnelle existent, le ministère indique que le délai de prévenance légal s’applique même dans le cas où celui qui était prévu conventionnellement était plus court ou plus long. 

Le délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de prolonger la période d’essai au-delà des maxima prévus pour l’employeur.

Lorsque c’est le salarié qui prend l’initiative de la rupture, le délai de prévenance pourra avoir pour effet de dépasser la durée maximale de la période d’essai.

Le délai de prévenance se décompte à compter de la date d’envoi de la lettre recommandée (réponse ministérielle 15/04/2008) ou bien à la date de remise de la lettre si elle donnée en main propre au salarié.

Il est important de signaler que ce délai de prévenance s’applique aux contrats CDI et CDD comprenant une période d’essai d’au moins une semaine.